Lecture: Sur les chemins noirs, Sylvain Tesson, Gallimard 2016

5139azqki-l-_sx339_bo1204203200_Le dernier livre de Sylvain Tesson, Sur les chemins noirs, est un petit bijou. Il vient comme une bouffée d’oxygène en cette période de moisissure. L’écrivain voyageur se lance dans la traversée de la France à pied, du Mercantour à la Normandie, par les « chemins noirs » des cartes IGN. Survivant d’un grave accident, une chute de huit mètres d’un toit, il s’était promis, sur son lit d’hôpital, d’accomplir ce périple s’il survivait et recouvrait l’usage de ses jambes. J’avais déjà parlé de cet auteur que j’aime beaucoup. Sur les chemins noirs est une succession de paysages, de rencontres impromptues, d’états d’âme nostalgiques, un hymne à la « France d’en bas », à la nature, au passage du temps. La souffrance des séquelles de sa chute est en toile de fond de cette plongée dans la solitude émaillée de brèves rencontres. Les visions s’enchaînent, dans un style d’une rare pureté. Cet ouvrage ne comporte pas une once de prétention, ni de message idéologique, encore moins de vulgarité. Il est tout ce que l’on aime aujourd’hui, simplicité, discrétion, modestie, humour. « A Barjac, une plaque sur le mur du cimetière: « Passant, arrête-toi et prie, c’est ici la tombe des morts. Aujourd’hui pour moi, demain pour toi. » Le souvenir de ma mère défunte me murmurait confusément ce genre de choses. Sa pensée m’escortait par des jaillissements nés d’une vision: pourquoi le souvenir des disparus est-il lié à des spectacles anodins comme une branche oscillant dans le vent ou le dessin de l’arête d’une colline? Soudain, les spectres surgissent. Pendant quelques mois, j’avais porté une bague à tête de mort qu’on m’avait retiré après ma chute. L’inscription latine gravée au revers du crâne disait la même chose que la plaque de Barjac: « Je fus ce que tu es, tu seras ce que je suis » […] Décidément,  j’avais deux millénaires de retard. Il était criminel de croire que les choses duraient. Les matinées de printemps étaient des feux de paille. »

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction