Leçon sur une polémique

Ci-dessous, mon article intitulé Wauquiez, à qui profite le psychodrame? dans le Figaro du 23 février 2018. L’idée n’est évidemment pas de défendre une logique militante, de soutien de Laurent Wauquiez comme adversaire personnel du président Macron dans la perspective « d’un duel » et du remplacement de ce dernier en 2022. La perspective même d’un renouvellement de personne à l’Elysée en 2022, grosso modo dans le même état d’esprit, mais avec une coloration idéologique différente, droitisée, ne me concerne pas. La vraie question n’est pas de savoir qui connaîtra l’extase de fanfaronner  sur le perron de l’Elysée un 8 mai 2022. Elle est de se pencher sur le destin de la France dans un monde en pleine ébullition qui connaîtra, dans les cinq décennies qui viennent, plus de bouleversements et de déchirements que dans les cinq siècles passés. La polémique de ces derniers jours, après tant d’autres du même genre, est odieuse à trois titres: enregistrement (prémédité et organisé) et diffusion publique de propos tenus en privés; atteinte à la liberté de parole d’un homme politique, qui plus est leader de l’opposition; lynchage médiatique de plus de cinq jours, totalement grotesque tant il est disproportionné. La priorité, à mes yeux, est de dénoncer le naufrage de la politique française dans l’ultra-narcissisme, le culte de l’anecdotique, de l’image personnelle, le grand étalage d’illusionnisme,  au détriment de l’intérêt général. Et d’en sortir… La politique française est à réinventer, ses institutions, son régime, sa culture. Une seule chose doit nous importer: rouvrir le débat d’idées, refonder la politique sur la réflexion collective et le bien commun, comme il est écrit dans l’article ci-dessous: « Il est temps de parler aux Français des problèmes de la France, de la désindustrialisation, de la balance commerciale, de la dette publique, du matraquage fiscal, de l’emploi, des enjeux de l’immigration et du développement de l’Afrique, des dangers du communautarisme, de la nécessaire refondation de l’Europe et de la démocratie française, de la lutte contre le terrorisme. Rendre un sens à la politique: voilà ce que les Français attendent de M. Wauquiez, et des autres… »

Maxime TANDONNET

Wauquiez, à qui profite le psychodrame?

Le psychodrame autour de Laurent Wauquiez a rythmé l’actualité pendant au moins cinq jours, écrasant tout autre sujet. Par une étrange ironie de l’histoire, il survient un an tout juste après le séisme du « Fillongate ». Le mécanisme du lynchage politico-médiatique est bien connu: les radios, les télévisions, la presse, à la suite d’un scandale ou de déclarations jugées intolérables, se donnent un bouc émissaire. Une tempête médiatique se déclenche, et, dans un processus mimétique digne du philosophe René Girard, les personnalités politiques, les unes après les autres, se joignent à la meute et prennent part au passage à tabac. Les détracteurs de M. Wauquiez, autant ses adversaires de droite que les porte-parole du pouvoir LREM, s’en sont donné à coeur joie.

La plupart de experts et commentateurs ont vu dans les propos du président des Républicains une opération de communication déguisée en conférence, l’accusant ainsi implicitement de manipulation. La vérité est sans doute bien différente. Les paroles qui ont fait scandale intervenaient en marge d’un cours de douze heures. Dans le contexte d’une relation de confiance établie avec les étudiants, Wauquiez n’a pas songé qu’il était enregistré. Ses propos concernant Nicolas Sarkozy, dont il a dû s’excuser, prouvent qu’il n’a pas cherché la provocation. La suspicion de « Trumpisme », devenue un grand classique du politiquement correct, est à cet égard infondée. M. Wauquiez a péché par naïveté plutôt que par cynisme.

Une grande hypocrisie est à l’oeuvre dans le lynchage médiatique de M. Wauquiez. En privé, tous les hommes ou femmes politiques, sans exception, peuvent se laisser aller à des attaques contre leurs adversaires ou mieux, leurs amis… Et tout le monde le sait. Le chef des Républicains s’est visiblement fait piéger. Le psychodrame de cinq jours, mobilisant les radios et la télévision, les cris d’orfraies qui ont accueilli ses propos, sont largement artificiels et exagérés. Que celui qui n’a jamais dénigré son prochain, en politique, lui jette la première pierre! L’occasion de tenter d’abattre Wauquiez était trop belle mais la deferlante avait un autre avantage: passer sous silence voire effacer les vrais sujets du moment et d’autres scandales plus graves.

Wauquiez a parlé dans son cours de « dictature totale ». La formule, évidemment excessive, suscite une indignation infinie. Pourtant, combien de fois, contre la droite au pouvoir, certains médias et l’opposition ont fait usage du mot « fasciste », sans que cela ne gène personne? En vérité, à travers ces mots, Laurent Wauquiez, a soulevé la question fondamentale de l’équilibre des pouvoirs, des dangers et de l’inefficacité d’un régime politique reposant aujourd’hui sur la personnalisation du pouvoir à outrance, au détriment du gouvernement, du Parlement, des partis, des collectivités territoriales. La tempête qu’il a sucitée à ce sujet est révélatrice du conformisme ambiant: toute parole qui heurte les dogmes dominants est jugée intolérable et pourchassée. Que reste-t-il de la démocratie quand la liberté d’expression et de réflexion est ainsi malmenée?

A qui profite le psychodrame? Apparemment, tout le monde est content. Les adversaires de M. Wauquiez sont heureux. Ils annoncent déjà sa mort politique après une telle bévue. Ses soutiens sont également satisfaits, notamment après ses explications sur BFMTV. Il y aurait gagné en notoriété et manifesté sa force de caractère en rompant avec la langue de bois et en refusant de s’excuser.

En vérité, tout le monde est perdant. Depuis une dizaine d’années, les Français voient leur vie politique qui ne cesse de sombrer dans les polémiques, les coups tordus, les petites phrases haineuses, les scandales retentissants et la fuite dans la posture. 83% des Français ont une image négative de la politique et ils ne sont que 9% à faire confiance aux partis (Cevipof janvier 2018). Le taux d’abstention a atteint 80% aux dernières élections partielles. L’impression de « cour de récréation », de batailles d’ego, de naufrage dans le carriérisme narcissique bat son plein. Le « nouveau monde » n’est pas meilleur que « l’ancien »… Les dirigeants et responsables politiques ont tendance à sous-estimer l’intelligence des Français. Ces derniers attendent un discours de vérité. Il est temps de parler aux Français des problèmes de la France, de la désindustrialisation, de la balance commerciale, de la dette publique, du matraquage fiscal, de l’emploi, des enjeux de l’immigration et du développement de l’Afrique, des dangers du communautarisme, de la nécessaire refondation de l’Europe et de la démocratie française, de la lutte contre le terrorisme. Rendre un sens à la politique: voilà ce que les Français attendent de M. Wauquiez, et des autres…

Maxime Tandonnet, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, essayiste, historien, auteur des « parias de la République » Perrin 2017.

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Author: Redaction