Le dernier lynchage

les_zazousUne certaine Zaz, chanteuse qui m’était inconnue, vient de déclencher une énorme polémique, une de plus, pour avoir déclaré: « À Paris, sous l’Occupation, il y avait une forme de légèreté. » Les télévisions, les radios, la presse quotidienne et hebdomadaire sont prises d’une crise d’hystérie comme nous y avons droit désormais au rythme d’une ou deux par semaine. Le lynchage bat son plein. Pourtant, cette phrase n’est pas complètement absurde d’un point de vue factuel, historique. Dénonçant une certaine vie parisienne, elle n’a strictement rien à voir avec celle, honteuse, d’un politicien qui avait parlé il y a quelques années des « bienfaits de l’occupation« . Le lot commun de l’immense majorité des Français était atroce sous l’occupation: l’écrasement des libertés, la famine, les déportations, les persécutions anti-juives, les humiliations, la délation généralisée et les tortures de la gestapo,  les résistants fusillés, familles séparées, massacres de civils (Oradour). Jamais, dans toute l’histoire de France, le peuple n’aura subi un tel martyr. Mais il n’en reste pas moins qu’une petite caste parisianiste a profité de la situation. La jeunesse dorée parisienne, les fameux zazous s’en donnait à cœur joie aux concerts de swing, donnés par Johnny Hess, Django Reinhart aux salles Pleyel ou Gaveau (Jean-Claude Loiseau, les zazous, le Sagittaire 1977). Les théâtres, café-concerts et les salles de cinéma affichaient complet. Les artistes, acteurs, cinéastes, chanteurs, créateurs de mode, journalistes huppés, écrivains, bref toute le bonne société, la France dite « d’en haut », même ultra-minoritaire, vivait presque normalement sous le Paris des années 1940. Le marché noir a même permis à des fortunes de prospérer alors que toute la France souffrait de la faim. N’est-ce pas Jean-Paul Sartre lui-même qui a déclaré « Nous n’avons jamais été aussi libres que sous l’occupation »? Lui même, si j’ai bien compris, vaquait à ses activités habituelles d’auteur reconnu. Pourquoi cette nouvelle crise de nerfs du monde médiatique français pour des mots pas tout à fait absurdes sur le plan des faits, de la réalité? Explication principale: la bêtise, l’ignorance, l’inculture… Nous subissons les conséquences à long terme du délaissement de l’enseignement de l’histoire. Et puis, la légèreté d’une partie de la « France d’en haut », de sa jeunesse dorée sous l’occupation, c’est un sujet que la France d’en haut préfère sans doute garder sous silence, et la poussière sous le tapis. D’où la fureur du lynchage, pour un tabou affleuré sans doute bien involontairement. Mais le plus inquiétant, c’est de voir ainsi la liberté d’expression se restreindre à vue d’œil, le droit de s’exprimer sans courir le risque d’un lynchage médiatique. Pauvre Zaz… (pour ma part, tout en me sachant sous surveillance, je prends le risque, tant pis…)

Maxime TANDONNET

NB: SEULS LES SITES AMIS FIGURANT AU BLOGROLL CI-JOINT SONT AUTORISES A REPRENDRE CE BILLET.


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction