L’avenir des Républicains (entretien avec Atlantico)

1- Selon un sondage IFOP pour Paris Matche publié ce 8 novembre, Nicolas Sarkozy conserve 85% de bonnes opinions parmi les sympathisants LR. Comment interpréter l’aura que conserve l’ancien Président au sein de sa famille politique ? Faut il y voir le résultat du maintien d’une assise large, construite sur le libéralisme d’Emmanuel Mignon, le conservatisme identitaire de Patrick Buisson, et le Gaullisme social d’Henri Guaino ? 

En partie sans doute. Le ministre puis président Sarkoz,y était un personnalité politique expérimentée qui sentait mieux que quiconque les attentes populaires du pays. En 2007, il a parfaitement su traduire en propositions les attentes contradictoires de l’opinion, sécurité, fibre nationale, libéralisme économique qui se retrouvent dans les indivualités que vous citez. Mais je pense qu’il y avait aussi autre chose: un charisme personnel extrêmement puissant qui inspirait la confiance à une partie des Français et qui sublimait les contradictions possibles par exemple entre libéralisme et gaullisme social ou entre discours national et européiste. Il me semble que c’est bien cette personnalité hors norme qui continue d’exercer une fascination chez ses soutiens, un mélange de simplicité, d’autorité, de générosité, sans oublier aussi ses défauts, dont le caractère impulsif. Le président Sarkozy se caractérisait par son pragmatisme et son goût de l’action et des résutats. Avec le temps qui passe, certains Français réalisent qu’il ne méritait pas l’image donnée de lui par les médias. Il n’existe sûrement pas de chef de l’Etat parfait, mais lui avait une fibre populaire réelle et sincère que certains Français regrettent sans doute. C’est sa personnalité et non une idéologie, inexistante chez lui, qui explique cette nostalgie chez les sympathisants LR.

2- Alors que la stratégie actuelle de Laurent Wauquiez, probable futur président du parti, semble reposer de façon plus exclusive sur le buissonisme, plutôt que sur l’alliage précité de Nicolas Sarkozy, ne peut-on pas considérer qu’une telle ligne pourrait être trop restreinte pour emporter une victoire présidentielle ? 

Il me semble tout d’abord qu’il est délirant, après les évènements politiques de 2016 et 2017, de penser aujourd’hui à l’élection présidentielle. 4 ans 1/2, c’est une éternité au regard de l’époque imprévisible que nous vivons. Il me semble que nous vivons dans un univers mental qui n’a plus rien avoir avec celui de 2007. Entre temps, la France a connu de gigantesques scandales politiques, la vague du terrorisme islamiste qui l’a ensanglantée, l’explosion du chômage, la crise européenne des migrants, le séisme politique de l’élection présidentielle de 2017. M Laurent Wauquiez pour s’imposer comme le leader de LR ne peut en aucun cas reproduire le discours de Sarkozy de 2007. Il est difficile, par exemple, d’invoquer la « valeur travail » et de fustiger l’assistanat dans un pays qui compte 5 à 6 millions de personnes privées d’emploi et 8 millions de pauvres. Il est certain que les questions de civilisation, de culture, de repères historiques sont désormais au coeur des préoccupation des Français dans une climat de chaos permanent dominé par la crainte de l’islamisme radical. Mais c’est bien entendu insuffisant. Pour avoir une chance de gagner la confiance des Français et de devenir populaire, il faut aussi et avant tout apporter des réponses à la question de l’emploi, du pouvoir d’achat, de la pauvreté, du logement. Pour l’instant, ce volet semble voilé par la priorité donnée à l’identité. L’avenir des LR consistera à définir une ligne d’équilibre entre les questions de civilisation, d’autorité de l’Etat et d’économie.

3- Dès lors, et dans l’optique d’un rassemblement suffisamment large permettant de former une majorité, quels seraient les ingrédients manquants à la ligne politique actuelle ? 

Il me semble que la question de le ligne n’est qu’un aspect du sujet. Il est tout autant essentiel de créer une dynamique de confiance en une personnalité, engendrer une espérance, un choc de renouveau. Au coeur de tout, il y a la question de la crédibilité du politique. Fondamentalement, les Français ne font plus confiance dans leur classe dirigeante. 88% pensent que les politiques ne tiennent aucun copte de ce que pensent les gens comme eux (cevipof). L’opinion a le sentiment d’être négligée et méprisée. L’épisode des « sans dents » a été emblématique de la crise de confiance. Jamais le gouffre entre les Français et leurs dirigeants n’a été aussi profond. Pour avoir une chance de percer dans l’opinion, plus qu’une ligne, à ce stade, c’est une rénovation en profondeur de la conception même de la politique qui est en question. Les Français ne supportent plus et de moins en moins les jeux de posture narcissique et vaniteuse, le sentiment que leurs dirigeants les manipulent, dans leur propre intérêt et leur destin personnel. D’où l’abstention et la crise de confiance en la politique. Un dirigeant de l’opposition, pour devenir populaire et incarner une alternative possible, doit réussir à donner le sentiment qu’il veut servir le pays et non s’en servir. Il doit se mettre à l’écoute du pays, dans une optique à la fois modeste, simple, et faire la preuve de son désir exclusif de rendre service à la France et d’être utile aux Français. Pour l’instant, aucun dirigeant de l’opposition ne semble en avoir vraiment pris conscience. Mais il faut bien reconnaître que l’équation est complexe. Pour percer dans le coeur des Français, à l’avenir, il faudra donner une image de désintéressement personnel et de volonté de se consacrer au seul intérêt général. Mais est-ce conciliable avec l’ambition politique? Il est probable que la décomposition politique n’est pas terminée et que de gigantesques coups de théâtre et séismes politiques vont se produire dans l’avenir débouchant sur des résultats que nul ne peut concevoir aujourd’hui et l’avènement au premier plan de personnalités inconnues et dont nul ne saurait avoir maintenant la moindre idée.

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction