La France déboussolée (pour Figaro Vox)

La France, empêtrée depuis plus d’un an dans la crise sanitaire donne en ce moment l’image d’un pays déboussolé, privé de ses repères éthiques et intellectuels, déchiré entre des attentes contradictoires.

[Suite du billet d’hier]

La France, empêtrée depuis plus d’un an dans la crise sanitaire donne en ce moment l’image d’un pays déboussolé, privé de ses repères éthiques et intellectuels, déchiré entre des attentes contradictoires. D’une part, il est en quête d’ordre et de fermeté dans la lutte contre la covid-19. Les enquêtes d’opinion montrent régulièrement qu’une majorité ne dirait pas « non » au « confinement dur », c’est-à-dire un emprisonnement à domicile de la population. Mais paradoxalement, le pays profond ne supporte plus la banalisation de brimades bureaucratiques qu’il ressent comme absurdes et inefficaces : masques obligatoires sur les plages désertes et balayées par le vent, achats interdits de vêtements considérés comme un bien « non essentiel », interminable couvre-feu suspecté d’attiser l’épidémie en concentrant les déplacements, et partout, étranglement de la liberté de circulation et prolifération de contrôles tatillons et répressifs.

Comme dans les périodes les plus tragiques de l’histoire, cette frustration ou humiliation collective finit par attiser des comportements aux connotations les plus sinistres : surveillance et suspicion généralisées, jalousies de clocher. L’esprit de délation se banalise : la chasse au voisin qui danse derrière sa fenêtre, ou de familles dans la forêt ou sur une plage sans masque ; la hantise des « restaurants clandestins » et des « puissants » soupçonnés de les fréquenter. Les émissions délatrices sont à la mode, les vidéos circulent livrant au lynchage et à la honte – sans que cela ne paraisse gêner quiconque. On invente des ministres ou autres « stars » qui se gavent secrètement au détriment du bon peuple. Les dénonciateurs se livrent à la traque acharnée des messes sans masques, des cafetiers qui tentent de survivre en vendant des cafés sur le trottoir ou des magasins qui ont négligé de clôturer le rayon des chaussettes pour enfant. Les appels anonymes prolifèrent au sujet du bruit des voisins que l’on soupçonne de recevoir plus de six convives ou pour dénoncer le jeune d’en face ou la mère de famille rentrée à la maison après 19H. A quoi bon les rappels historiques – hélas nombreux – auxquels ces dérives conduisent tout naturellement ?  Le naufrage actuel suffit de lui-même à susciter un dégoût de bon aloi…

La tragédie politique française est au cœur du sinistre. Aujourd’hui, seuls 35% des Français font confiance à l’exécutif pour faire face à la crise sanitaire (ifop-jdd). Dans une période aussi dramatique, un niveau de défiance à tel point dégradé donne le vertige. L’épidémie de covid 19 a profondément aggravé la fracture démocratique entre la France profonde et sa classe dirigeante. Comment diriger un peuple dès lors que le lien de confiance – le gouvernail – est brisé ? La parole politique ne veut plus rien dire. Dans un climat de suspicion généralisé, les annonces et promesses de l’exécutif (sur les vaccins par exemple) se perdent dans un abîme d’incrédulité et de scepticisme. Dans son rôle de contrôle de l’exécutif, le Parlement est de fait suspendu. Les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité de dirigeants politiques déconnectés du réel sont annihilés. Le matraquage sondagier voue les Français à une obscure répétition du duel Macron/le Pen en 2022, les privant pour l’instant de toute espérance démocratique crédible. Alors que la désintégration s’accélère, une seule question hante les esprits : quand viendra la première lueur d’espérance, le bout du tunnel ? Il manque cruellement au pays une vision et une voix de sagesse ou de vérité.

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Author: Redaction