Droite après la déroute, refuser la compromission (pour FigaroVox)

L’article ci-dessous que m’a demandé le Figaro Vox et publié sous un autre titre résume assez bien ma vision des derniers événements politiques

Au lendemain de l’élection présidentielle et à la veille des législatives, la droite, au sens des Républicains et de leurs alliés, se montre discrète, sinon inexistante. L’actualité politique se polarise sur les débats à gauche autour du ralliement du parti socialiste à une alliance avec les Insoumis, les Verts et les communistes… La droite ne cherche pas, comme en 2017, à se donner l’illusion d’une revanche possible aux législatives. Privée de leader et de projet, elle a comme intériorisée par avance la défaite.

La cause essentielle de ce défaitisme est évidemment l’ampleur de la débâcle subie par Valérie Pécresse à la présidentielle. Comment se relever d’un pareil coup de massue ? L’humiliation d’un score inférieur à 5% a eu pour effet de répandre le doute sur la survie de cette formation.

A cette déroute s’ajoute le ralliement de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron. L’ancien chef de l’Etat ne s’est pas contenté de soutenir ponctuellement le « front républicain » contre la candidature de Mme le Pen, mais il a appelé son parti à rejoindre la future majorité présidentielle.

Cet appel de l’ancien président de la République repose sur une analyse de la situation largement partagée par les experts. LR devrait trouver sa place dans la recomposition politique en cours : une alliance centrale composée de Renaissance (le parti présidentiel) et de LR, opposée à une gauche radicalisée sous la bannière de Jean-Luc Mélenchon et à la droite lepéniste.

Nicolas Sarkozy invite ainsi son parti à changer radicalement de cap et se ranger dans une majorité macroniste – qu’il a critiquée pendant cinq ans. Cette invitation, qui n’a été que partiellement écoutée, a ainsi fortement contribué au désarroi d’une partie de la droite.

Mais au-delà de ces facteurs ponctuel, la tragédie de LR a des causes profondes ou structurelles. La raison d’être d’une « droite républicaine » est d’offrir au pays une perspective de gouvernement sur la base du bien commun, dans le respect du principe de réalité et des équilibres économiques et financiers.

Or, la vie politique de la France a fait naufrage dans le grand spectacle en rupture avec les défis de la réalité. Elle est désormais dominée par une fuite sans précédent dans la commedia dell’arte.

La gauche se reconstruit, non pas sur un projet cohérent et viable, mais sur le ralliement à un personnage charismatique, un homme de spectacle au talent indéniable qui ne lésine pas sur la provocation –  Jean-Luc Mélenchon.

Le camp conservateur a montré sa préférence envers une candidate, Mme le Pen, qui incarne une autre forme de radicalité sans le moindre embarras pour la faisabilité de ses idées, par exemple « l’interdiction totale du voile dans l’espace public » (et dès lors de tout signe religieux), évidemment inconcevable du point de vue pratique comme juridique.

Mais paradoxalement, le macronisme au pouvoir relève de cette même logique inhérente au « nouveau monde » politique. Elle consiste à sublimer un visage médiatique par une débauche de communication, comme paravent à l’accumulation des difficultés : chute du niveau scolaire, explosion de la dette publique et des déficits, déclin des libertés, désindustrialisation s’exprimant dans le déficit commercial record, poussée de la violence et de l’insécurité, perte de la maîtrise des frontières et chômage de masse et désormais inflation…

Quelle peut être la place d’une formation politique dite « de gouvernement », c’est-à-dire attachée au principe de réalité ou de vérité, dans un contexte où la politique fait naufrage dans l’exubérance narcissique, la démagogie éhontée et la manipulation massive des émotions collectives, notamment la peur – comme nous l’avons vu sous l’épidémie de covid 19 ? Telle est la grande question…  

La droite est victime de valeurs du gaullisme devenues folles : « l’incarnation » à laquelle elle est traditionnellement attachée (c’est-à-dire l’identification d’un projet collectif à un leader) a sombré dans l’idolâtrie ou le culte nihiliste de la personnalité (sous toutes ses formes).  Et c’est cela qui marche aujourd’hui, dans le contexte d’une société malléable, influençable, privée – en raison du déclin scolaire – de références historiques et des repères de l’intelligence politique. Or, au jeu d’une surenchère dans l’esbroufe, la droite est perdante.

Pourtant, la droite qui dit « non » à la recomposition politique – et au ralliement à la présidence Macron – fait le choix du refus de la fatalité. Son raisonnement consiste à ne pas accepter la logique d’un gouvernement de « troisième force » (sur le modèle de la IVe République de 1947 à 1951). Abandonner le monopole de l’opposition à la gauche radicalisée et la droite lepéniste reviendrait à interdire toute possibilité d’alternance raisonnable et dès lors à porter à son paroxysme la fracture démocratique entre le peuple et une classe dirigeante rendue inamovible et irresponsable pour des décennies.

Certes, les futurs députés réfractaires de droite courent le risque de se retrouver ultra-minoritaires à l’Assemblée nationale dans l’immédiat. Mais à long terme et dans un contexte politique, économique et social qui s’annonce comme chaotique, leur choix de ne pas céder aux sirènes du ralliement peut se retourner en leur faveur. L’expérience de l’histoire montre que souvent, dans les profondeurs de la débâcle et du chaos, le pays se tourne à la fin  vers ceux qui, mêmes ultra-minoritaires, sont restés fidèles à leur conviction.

MT

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Author: Redaction