Discours du Premier ministre – Conférence de la Stratégie nationale de recherche au Musée du quai Branly

Madame la ministre, monsieur le ministre,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs les membres du Conseil stratégique de la recherche,
Monsieur l’administrateur du Collège de France,
Messieurs les présidents d’organismes de recherche,
Madame, messieurs les présidents des conférences des présidents d’établissements d’enseignement supérieur,
Mesdames, messieurs les professeurs,
Monsieur le Commissaire général à l’investissement,
Monsieur le délégué du Musée du quai Branly,
Mesdames et messieurs,
Chers étudiants,
 
J’ai l’habitude de dire – non pas par incantation … mais parce que c’est vérifié empiriquement, j’oserai dire « prouvé scientifiquement » … – que la France est un grand pays.
 
Grand pays, notamment, par sa recherche : ses scientifiques, ses professeurs, ses étudiants.
 
La France est au cinquième rang des pays de l’OCDE pour l’effort de recherche ! Au quatrième rang pour le nombre de publications scientifiques ! Au troisième rang des destinations les plus attractives pour les étudiants étrangers ! 41 % de nos docteurs viennent, d’ailleurs, d’autres pays.
 
La France compte également – vous le savez, et je salue ceux qui sont avec nous – de nombreux lauréats du prix Nobel et de la médaille Fields.

La France est donc grande par sa recherche ; elle l’est aussi par ses musées.
 
Et quel plus beau lieu pour parler de transmission des savoirs, d’échanges entre les disciplines, les talents, que ce Musée du quai Branly – un espace de culture, bien sûr, mais aussi un centre de formation et de recherche.
 
Comment, ici, ne pas affirmer que la seule voie que la France peut prendre – doit prendre – c’est la voie de l’intelligence, de l’ouverture au monde, de la raison ; et pas celle du repli et du retour en arrière que certains proposent ?
 
Non, je crois que la France est une ambition, un idéal de progrès scientifique, technologique, mais aussi de progrès humain et social. Et c’est à cet idéal, en tout cas à cet objectif, que la recherche française a toujours – c’est ce qui la caractérise – apporté sa pierre.

Et aujourd’hui, dans un monde en pleine mutation, en plein changement, il faut incontestablement poursuivre et accentuer nos efforts pour que la recherche française soit toujours à la pointe.
 
C’est l’objectif de cette conférence.
 
Elle est ce moment où nous disons les choses, où nous fixons les grandes échéances, où nous faisons ensemble des choix pour l’avenir.
 
Je suis, bien sûr, conscient des difficultés que le monde de la recherche peut connaître.
 
Il y a ce sentiment qu’ont les laboratoires, les centres de recherche, les universités, de manquer de moyens et d’équipements.
 
Il y a les obligations administratives qui s’ajoutent au travail de recherche. Votre carrière vous occupe à temps plein … mais aussi le soir et le week-end ! Une carrière-passion, qui exige de ceux qui l’épousent enthousiasme, engagement … abnégation. Et il y a, parfois, le manque de reconnaissance.
 
Il y a aussi le doctorat trop peu valorisé.
 
Depuis trois ans, des choix ont été faits pour permettre à notre recherche d’être à la hauteur des attentes que nous plaçons en elle.
 
A nouveau, cette année, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, madame la ministre, monsieur le ministre, vous le savez, sera conforté, et les moyens de fonctionnement des opérateurs et des agences – comme l’Agence nationale de la recherche – maintenus. Et nous veillons à ce que l’emploi scientifique soit préservé.
 
Nous apportons aussi d’autres financements à la recherche grâce aux investissements d’avenir – j’y reviendrai –, grâce aux contrats de plan entre l’Etat et les régions, mais aussi aux fonds européens ; car vous êtes les fers de lance d’une Europe de la recherche qui se construit.
 
Et je voudrais saluer les initiatives qui y contribuent : dans deux jours, Najat Vallaud-Belkacem et Thierry Mandon remettront les prix « Etoiles de l’Europe » aux auteurs des projets les plus innovants.

Il y a les financements … Il y a aussi notre ambition pour la recherche.
 
Cette ambition, vous la connaissez : liberté, bien entendu, pour les chercheurs, de mener leur recherche comme ils l’entendent, de lancer des pistes, de prendre des risques. Plus de la moitié des financements publics pour la recherche sont ainsi directement consacrés à la recherche fondamentale.
 
Mais notre ambition, c’est aussi la meilleure diffusion des résultats de cette recherche, qui doit plus encore irriguer nos industries et nos entreprises.
 
C’est, bien sûr, déjà le cas. Je pense par exemple au partenariat entre le CNRS, cher Alain Fuchs, et Saint-Gobain, qui a permis des avancées importantes sur les vitres intelligentes. Je l’ai vu à Tokyo, avec Thierry Mandon, sur votre stand à l’exposition de l’année franco-japonaise de l’innovation ! Et s’il y a un pays qui, pour nous, est un bon thermomètre du regard que l’on peut porter sur la France, c’est le Japon !
 
La recherche doit, aussi, éclairer l’élaboration de nos politiques publiques. Je pense notamment au rôle qu’elle doit jouer – à sa responsabilité immense – pour mieux comprendre les phénomènes de radicalisation ; le président d’Athéna y travaille depuis le mois de janvier. C’est ainsi que, tous, nous pourrons avancer sur un sujet particulièrement préoccupant qui est un défi pour notre société.
 
Et puis, il fallait aller plus loin et se doter – comme d’autres grandes puissances scientifiques – d’une stratégie nationale de recherche.
 
L’élan a été donné par la loi Fioraso de juillet 2013, qui a débouché à la fois sur une Stratégie nationale de recherche et sur une Stratégie nationale pour l’enseignement supérieur : elles se complètent et doivent agir de concert. J’ai présenté ces orientations à Besançon, il y a un an, devant les étudiants, les chercheurs et toute la communauté universitaire.
 
La Stratégie nationale de recherche, présentée par le Conseil stratégique de la recherche, est le fruit d’un travail patient qui a rassemblé tous les acteurs, publics et privés, les partenaires économiques et sociaux, les représentants du monde associatif et de la société civile.
 
Cette Stratégie a un objectif clair : se doter d’une vision d’ensemble sur la manière dont la recherche répond – ou non – aux enjeux globaux auxquels nous faisons face : transition énergétique, numérique, santé, mobilité … et ensuite agir en conséquence.
 
Le programme consacré à « l’analyse et la gestion du risque climatique » permet ainsi de faire le lien entre la recherche et la décision publique : la conférence Paris Climat a montré, au-delà du succès que chacun reconnaît, à quel point ce lien est nécessaire. Les scientifiques sont, là encore, aux avant-postes : ils éclairent, alertent les pouvoirs publics – 72 prix Nobel viennent de le faire. Nous savons – c’est le grand changement par rapport au rendez-vous de Copenhague – combien les scientifiques ont joué un rôle essentiel dans la préparation, dans la réussite de la COP21 et dans le changement des mentalités : des peuples, bien sûr, mais d’abord des chefs d’Etat et de gouvernement.
 
C’est essentiel, ce travail, cette perspective, pour préparer l’avenir de notre planète. Pour préparer, aussi, celui de notre industrie, pour faire que les nouvelles technologies vertes voient le jour en France ! Et donc pour réussir sur le terrain de la croissance et de l’emploi.
 
Car – dans un contexte de concurrence toujours accrue – notre pays doit pouvoir, là aussi, avancer ses pions.
 
Nous agissons également pour gagner en attractivité, en rayonnement international, tout en accompagnant tous les étudiants vers la réussite.
 
Les établissements d’enseignement supérieur ont pour cela commencé à se regrouper – comme le prévoit la loi Fioraso – au sein de grands pôles, dans lesquels les organismes de recherche doivent trouver toute leur place.
 
Notre pays va ainsi – c’est bien l’objectif – se doter d’universités de recherche de rang mondial ; nous avons besoin de grands champions nationaux, mieux identifiables, mieux reconnus, et plus attractifs.
 
Beaucoup a été fait … Mais, soyons lucides, beaucoup, selon la formule consacrée, reste à faire. Il y a des marges de progression. Et donc nous devons poursuivre, ne pas hésiter, ne pas relâcher nos efforts.
 
Trois mots d’ordre guident notre action.
 
Le premier, c’est investir.
 
Le programme d’investissements d’avenir permet d’accompagner l’évolution du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche, en particulier l’exigence de regroupement des établissements pour en faire de grandes universités de recherche de rang mondial. C’est tout l’enjeu des initiatives d’excellence. L’Etat maintiendra cette exigence lors des évaluations à venir.
 
En plus de soutenir ces grands pôles, les investissements d’avenir doivent aussi accompagner des projets de recherche et de formation sur tout le territoire. Là aussi, il y a un objectif : c’est de valoriser le meilleur de chaque site en fonction de standards d’excellence internationaux.
 
Le programme d’investissements d’avenir permettra aussi de soutenir les échanges accrus entre les disciplines, grâce à l’action « Instituts Convergences » que nous avons voulu lancer : des centres qui intègreront les sciences dites « dures », le numérique, les sciences humaines et sociales, le monde socio-économique, et développeront des formations d’excellence. Je souhaite que les premiers centres voient le jour dès juillet 2016.
 
Le programme d’investissements d’avenir doit en effet être l’occasion d’une grande mobilisation pour soutenir les initiatives qui regroupent programmes de recherche et formations innovantes.
 
Il doit plus généralement permettre de prendre – y compris en adaptant les cadres réglementaires – de nouvelles initiatives, de tester des démarches innovantes, d’expérimenter ! Et c’est, après tout, au cœur de votre ADN !
 
La prochaine vague du programme d’investissements d’avenir sera ainsi dotée – le président de la République l’a déjà annoncé – de 10 milliards d’euros. Je souhaite que l’enseignement supérieur et la recherche puissent vraiment s’emparer de toutes les opportunités ainsi créées.
 
Le deuxième mot d’ordre, c’est simplifier.
 
Simplifier les procédures, les démarches administratives qui entravent votre travail.
 
Simplifier l’organisation de notre dispositif d’enseignement supérieur et de recherche, qui doit devenir plus lisible.
 
Simplifier et faire évoluer aussi le dialogue entre l’Etat et les universités.
 
Thierry Mandon, qui connaît bien ces questions de simplification, y veille. Une consultation en ligne sera ainsi lancée dans les prochains jours pour faire émerger les réponses concrètes aux difficultés et contraintes que vous rencontrez dans votre quotidien. Il faut vraiment avancer sur ce sujet.
 
Le troisième mot d’ordre, c’est ouvrir : ouvrir des opportunités, élargir les horizons.
 
Cela veut dire, d’abord, donner accès à l’enseignement supérieur au plus grand nombre. Là aussi, le président de la République l’a rappelé : d’ici 2023, 60 % des jeunes d’une classe d’âge doivent obtenir un diplôme universitaire. Ce qui implique d’agir dès le lycée pour mieux orienter les élèves – c’est ce que nous avons rappelé, avec les ministres, à l’université d’Avignon à la rentrée.
 
Il faut également mieux accompagner les docteurs en augmentant les débouchés, en leur permettant de diversifier leur carrière, dans le public, mais aussi dans le privé, où ils peuvent devenir des « passeurs de recherche ».
 
Mesdames, messieurs,
 
La France a besoin de la recherche. Nous avons besoin de vous qui croyez en la très grande liberté de l’esprit humain ; qui travaillez, chaque jour, pour le progrès, avec les outils qui sont les vôtres : la lucidité, la rigueur, l’exigence, l’esprit critique. Nous avons besoin de vous qui bâtissez patiemment, minutieusement, courageusement, la France de demain, sur tout le territoire.
 
Vous avez ici, avec Thierry Mandon, deux élus de l’Essonne qui savent combien, entre Saclay et le Genopole d’Evry, nous avons besoin de nous appuyer sur une recherche ouverte qui fasse ce lien avec l’industrie, avec la santé, avec l’université, avec les territoires.
 
Vous toutes et vous tous faites la fierté de notre pays ! C’est ce message simple que je voulais vous délivrer, aujourd’hui, en soutenant la recherche française, car elle a tant d’atouts et tant de talents.
 
En même temps qu’elle invente, la recherche doit pouvoir se réinventer.
 
Soyez-en assurés, nous serons toujours là – l’Etat est là, le gouvernement est là – pour y travailler avec vous.
 
Je vous remercie.
 
 
Discours du Premier ministre – Conférence de la Stratégie nationale de recherche au Musée du quai Branly

Author: Redaction