Covid 19, une belle leçon d’histoire

« La France traverse aujourd’hui la plus grande crise sanitaire de son histoire ».

Martelée comme une évidence, cette affirmation est pourtant historiquement inexacte, comme le rappelle l’historien et professeur des universités Olivier Faure. Spécialiste de l’histoire de la santé, il revient sur les crises sanitaires qui ont jalonné les époques, depuis le Moyen Âge jusqu’à aujourd’hui, et sur les réponses apportées par l’État. Une plongée dans le passé qui permet de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de la crise actuelle.

Propos recueillis par Marina Bellot (EXTRAITS)

RetroNews : Dans une récente tribune, vous en appelez à la rigueur historique et rappelez que le taux de létalité du Covid-19 est bien loin de celui d’épidémies survenues dans le passé. Pourtant, le monde est entré dans une sorte de sidération. Comment l’expliquez-vous ? 

Olivier Faure : Sans remonter à la peste ou au choléra, il faut savoir que la grippe de Hong Kong en 1968 a par exemple fait 31 000 morts en deux mois dans une France qui ne comptait alors que 50 millions d’habitants. Aucune mesure n’avait été prise, on n’en parlait quasiment pas. Moi-même j’étais adolescent à l’époque, et je n’en ai absolument aucun souvenir. Pour la grippe espagnole, les évaluation sérieuses pour la France font état de 128 000 morts sur 40 millions d’habitants. Par ailleurs, cette épidémie n’est pas surprenante par sa propagation. Il faut savoir que, même dans un monde dans lequel les déplacements n’avaient rien de commun à ceux d’aujourd’hui, la peste, en 1348 a mis seulement deux ans à ravager l’Europe ; le choléra a mis six mois à venir de Russie pour s’étendre à l’ensemble du monde. Avec le Covid-19, malgré la densité de la population mondiale, pour l’instant on ne voit pas d’explosion massive. C’est une catastrophe, mais la moins pire vécue depuis un siècle. Ce qui est frappant aujourd’hui, ce n’est pas l’intensité du mal, c’est l’intensité de la réaction. Même si c’est inconscient, force est de constater que nous ne tolérons plus la maladie ni, surtout, la mort. On est dans une société qui loue le risque en matière économique, mais qui le refuse par ailleurs. Je crois que l’on vit la première application, à grande échelle, du fameux principe de précaution, introduit dans le Constitution française sous la présidence de Jacques Chirac. Les gouvernants ne se sentent responsables de plus grand-chose, si ce n’est de la vie des gens. Il s’agit de sauver la « vie nue », selon l’expression du philosophe italien Giorgio Agamben, à n’importe quel prix. Or les vieillards confinés, de quoi souffrent-ils le plus, du risque de mourir ou de la solitude et de l’enfermement ? 

Olivier Faure est historien de la santé et professeur d’histoire contemporaine à l’université Lyon III Jean Moulin. Il a notamment publié Les Français et leur médecine au XIXe siècle (Belin, 1993) et Histoire sociale de la médecine (Anthropos, 1994).

 

COVID 19

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Author: Redaction