Le pacte européen sur l’asile et la migration fait relativement peu parler de lui dans les médias et pourtant, il devrait compter pour l’avenir des Européens. Il vient d’être approuvé par le Parlement européen le 10 avril dernier. Auparavant, il avait été adopté par le Conseil des ministres européens le 20 décembre 2023. Constitué de neuf règlements européens et d’une directive, ce pacte, en négociation depuis des années, est censé apporter une réponse à la crise migratoire de 2015-2016 qui se prolonge. Il doit entrer en vigueur à partir de 2026.
Au bref, quel est son contenu? Il prévoit un filtrage des migrants irréguliers (300 000 en 2023 selon Frontex) sur tous les points de leur entrée dans l’Union européenne (grands aéroports, frontières terrestres orientales, rives de la Méditerranée…). Des centres d’accueil fermés seraient installés à proximité des points d’entrée. Les migrants présentant une demande d’asile pour être autorisés à entrer en Europe feraient l’objet d’un tri. Ceux dont la demande d’asile a peu de chance d’être acceptée (taux d’acceptation du statut de réfugié concernant les nationaux de leur pays d’origine de moins de 20% dans l’UE) feraient l’objet d’un examen accéléré sur place de leur demande d’asile dans les 12 jours. En cas de rejet de leur demande, ils seraient renvoyés dans leur pays dans un délai de 12 jours. Cette règle ne serait pas applicables aux mineurs non accompagnés, autorisés à entrer dans l’Union européenne. Les autres demandeurs d’asile (plus de 20% de taux d’acceptation par pays d’origine), seraient autorisés à entrer dans l’Union européenne. Leur demande d’asile serait examinée dans le pays par lequel ils sont arrivés – principe maintenu du règlement Dublin III. Mais 30 000 d’entre eux feraient l’objet d’un transfert dans d’autres pays de l’Union pour l’examen de leur demande, selon une clé de partage liée à la population totale. Les pays refusant de les prendre en charge – conformément à la règle du pacte- seraient sanctionnés d’une amende de 20 000 € par demandeur d’asile. En période de crise ou d’afflux massif, les règles changent. Le taux de 20% d’acceptation pour mettre en oeuvre la procédure accélérée peut être remonté à 50%. Le nombre de demandeurs d’asile répartis dans toute l’Europe peut excéder les 30 000. etc.
Mon avis? une impressionnante construction bureaucratique, une sorte de Gosplan fondé non sur des produits industriels et agricoles mais sur des êtres humains qui n’a aucune chance de jamais fonctionner. Tout repose sur la possibilité de renvoyer massivement dans leur pays des demandeurs d’asile déboutés dans un bref délai. Absurde: quand ils ont détruits leurs documents d’identité et refusent de décliner leur identité, voire s’opposent physiquement à leur retour, on n’a jamais su les rapatrier, sauf exceptionnellement selon des procédures d’identification lourdes et aléatoires. L’enfermement dans des centres sur toute la zone frontalière et l’organisation pratique du tri soulève de gigantesques difficultés pratiques face à des centaines de milliers d’arrivés. Et puis la répartition impérative: c’est toujours le même raisonnement, on traite les gens comme des marchandises inertes sans tenir compte du fait que ce sont des personnes qui finiront toujours par ce rendre où elles le désirent malgré toutes les escortes et les surveillances policières. Cette logique de la contrainte physique a toujours lamentablement échoué comme le savent tous ceux qui ont travaillé sur le sujet (Convention puis règlements Dublin I, II et III…). La seule issue possible et raisonnable à la crise migratoire est un traitement des demandes en amont, dans les pays d’origine ou de transit, et une répression sans faille des filières esclavagistes qui organisent les transferts par la Méditerranée, accompagnés d’un effort massif européen d’aide au développement. Mais il est tellement plus difficile de choisir et de décider, d’agir dans le concret, que de construire des usines à gaz à force de règlements et de directives!
MT