Analyse de la réforme constitutionnelle (pour Figaro Vox)

Une Constitution vaut par la qualité du gouvernement d’un pays qu’elle permet. Or, sur le long terme, la situation de la France s’est plutôt dégradée: chômage, communautarisme, violence, pauvreté, déclin de l’influence internationale, chute du niveau scolaire et intellectuel, crise migratoire, abstentionnisme… Les institutions ne sont évidemment pas seules en cause et la qualité des hommes et femmes au pouvoir est également en question, tout comme l’état d’esprit général de la Nation. Pourtant, elles y contribuent et exercent un rôle dans la sélection des élites dirigeantes et le façonnage de la culture politique à travers le modèle qu’elles donnent au pays. Il est légitime de vouloir changer un système qui ne donne pas satisfaction. Encore faut-il que la réforme soit dictée par le service de l’intérêt général et non la quête d’un avantage politicien.

Le projet actuellement en discussion touche le Parlement: réduction drastique du nombre des députés et des sénateurs (30%), limitation à trois mandats consécutifs, introduction d’une dose de proportionnelle (15%). Cette proposition peut se comprendre si elle a pour objectif de recentrer et d’améliorer la condition du travail parlementaire. Cependant, elle peut avoir l’inconvénient de désigner implicitement les parlementaires en boucs émissaires des déficits publics, à travers l’idée de réduire leur nombre pour faire des économies. Or le coût de la démocratie en France n’est en rien responsable du niveau astronomique de la dépense publique. Celle-ci, 57% du PIB (dix points au-dessus de la moyenne de l’Union européenne) s’explique par le poids des dépenses sociales: 31,5% du PIB contre 26,7 % en moyenne européenne. Il ne faut pas qu’une réforme constitutionnelle ait pour effet de traiter les parlementaires en parias. Et pour cela, il n’existe qu’une solution: le respect de la souveraineté du Parlement qui doit pouvoir se prononcer lui-même sur son effectif optimal. Et surtout, des garanties absolues sont indispensables pour éviter que la modification de son format ne serve de prétexte à des redécoupages arbitraires dans l’intérêt d’un parti.

Mais l’essentiel est ailleurs. La réforme envisagée ne touche pas à la vraie question de fond: celle de la dérive présidentialiste du régime français. Le quinquennat présidentiel, l’élection du chef de l’Etat juste avant l’élection législative, pour un mandat coïncidant avec celui des députés, a transformé l’Assemblée nationale en  annexe du pouvoir élyséen. D’ailleurs, l’élection législative n’intéresse plus les Français, au vu du taux d’abstention de 51% en juin 2017. Les maux qui étaient reprochés au régime d’Assemblée, sous les IIIe et IVe République ont, basculé de l’autre côté de la barrière, et contaminé le pouvoir exécutif :  obsession de la réélection et du maintien dans les Palais, politiques fondées sur la démagogie, immobilisme sous le voile de la communication à outrance et de la gesticulation, culte de la dissimulation et de la manipulation. Les aspects les plus contestables de la IIIe et de la IVe République ont ressuscité sous d’autres formes, mais en pire, figés, hors contrôle, sans possibilités de sanction ni de mise en œuvre d’une responsabilité politique pendant cinq ans. La stabilité est un trompe l’oeil dès lors qu’elle devient le masque de l’impuissance et de la déconnexion croissante entre le pouvoir et le monde des réalités.

La vie démocratique est désormais entièrement soumise à l’élection présidentielle, c’est-à-dire à l’émotion collective autour de l’image d’un personnage, façonnée par ses talents d’acteur et le jeu des préférences médiatiques. Puis, le culte de cette image, s’appuyant sur la dépolitisation de la société et son déclin intellectuel, s’impose, dans l’indifférence et l’aveuglement, comme la fin en soi du régime au détriment du bien commun. Par mimétisme, elle devient le but ultime de la vie publique. Le culte narcissique envahit les esprits de la classe politique au détriment du service de l’Etat et de la Nation. L’émotion collective autour d’un visage – d’amour ou de haine – se substitue à la raison, au sens de l’intérêt général, et achève de tuer la politique, au sens noble du terme.

Les solutions existent: l’instauration d’un septennat présidentiel non renouvelable permettrait de restaurer un chef de l’Etat au dessus de la mêlée, impartial, visionnaire, garant de l’unité et du destin de la nation, responsable de la politique internationale et de la sécurité, dont le mandat serait déconnecté de celui des parlementaires; l’affirmation du rôle du Premier ministre comme seul responsable de la politique intérieure devant le Parlement; l’élargissement des conditions de recours au référendum, pour les sujets qui engagent l’avenir de la Nation; la démocratie de proximité. Comment restaurer la res publica, la chose publique? Hélàs, la vraie question susceptible d’enrayer la chute de la France sur le long terme, au coeur du tabou français, n’intéresse (presque) personne…

Maxime TANDONNET

Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction