Communication politique (pour Atlantico)

  1. Dans de nombreux médias, la dernière allocution d’Emmanuel Macron a été saluée comme l’un de ses meilleurs exercice de communication jusqu’à présent. Pour autant, les dernières mesures annoncées par le président ne sont-elles pas d’avantage révélatrice de sa déconnexion avec le réel?

Beaucoup de commentateurs ont en effet salué cette intervention. D’ailleurs, un sondage LCI a révélé que les deux-tiers des spectateurs l’avait trouvé « convaincant », un autre sondage paru le lendemain, dans le Figaro, disait le contraire : 53% des spectateurs non satisfaits. Il faut comprendre qu’il y a deux choses bien distinctes dans ces appréciations. D’une part, on juge la performance de communication, l’acteur dans son rôle, l’impression qui se dégage de sa performance. Et là, on est en plein dans la politique spectacle. Le chef de l’Etat a su donner une impression à la fois d’humilité, parlant des erreurs commises – pas des siennes toutefois – d’empathie en parlant des Français qui souffrent, et de fermeté, notamment dans l’annonce de la fin du confinement assortie d’une date précise. Mais cette impression générale ne préjuge en rien aux yeux de l’opinion, de la justesse des décisions prises ni de la cohérence d’une politique. Le choix de réouverture des établissements scolaires le 11 mai, alors que depuis plus d’un mois, il est dit aux Français que les crèches et les écoles contribuent fortement à la propagation du virus a été ainsi fort critiqué.

  1. Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron a réussi à imposer aux Français sa vision de la réalité, notamment durant la crise des Gilets Jaunes. La crise sanitaire semble pour autant résister à cette torsion du réel. Comment l’expliquer ?

Il est parvenu, après la crise des Gilets Jaunes, à préserver un plancher électoral minimum, autour d’un cinquième des votants (aux Européennes) ce qui est différent. C’est vrai qu’après la crise des Gilets Jaunes, à travers une omniprésence médiatique dans le cadre du grand débat, il a su apparaître en rempart contre la violence aux yeux d’une partie de la bourgeoisie urbaine aisée, dont le vote s’est rajouté au noyau électoral progressiste pour limiter un peu les dégâts aux Européennes avec un score de 20%. Cette fois avec le covid 19, c’est beaucoup plus compliqué parce que la crise est d’une ampleur sans commune mesure : elle a fait 15 000 morts, elle provoque une crise économique titanesque avec des millions de chômeurs supplémentaires, la ruine d’une multitude de commerçants, restaurateurs et artisans. Bref, l’événement est tellement colossal qu’il est impossible de le réduire à un affrontement entre le bien progressiste et le mal populiste. Il s’impose avec tant de tant de violence et de souffrances, qu’il ne se prête pas à une réinterprétation en bataille romanesque contre la « peste nationaliste ». La peste, cette fois, n’est plus un fantôme : elle est une réalité vécue par les Français.

  1. Verbalisations et sanctions afin de de faire respecter les mesures se sont multipliées en France, plus qu’ailleurs en Europe. Les Français sont-ils moins respectueux des règles que leurs voisins européens ou le durcissement de ces mesures sert-il davantage à masquer les ratés du gouvernement ?

On aurait pu imaginer une plus grande part donnée à l’information, la sensibilisation, à la confiance en la sagesse populaire. Nul n’a envie d’attraper cet affreux virus… Mais il y a eu une pression médiatique en faveur d’une réponse fondée sur le contrôle et la sanction. Le jour du premier tour des municipales, les grands journaux télévisés ont pointé les familles rassemblées dans les espaces publics parisiens, puis le lendemain, les rassemblements dans les gares, souvent d’ailleurs d’étudiants qui rejoignaient leur famille à la suite de l’annonce de fermeture des établissements scolaires et universitaires. L’ambiance générale était à la culpabilisation et à la pénitence. Suivant l’air du temps, les autorités politiques ont fait le choix d’un confinement général, obligatoire, dont le non-respect était assorti de lourdes sanctions. Le pouvoir a fait le choix de suspendre une liberté fondamentale, celle d’aller et venir, mais avec le plein consentement, sinon l’exigence de la population, marquant une préférence pour la sécurité sur la liberté. Ensuite, la communication sur le nombre d’amendes quotidiennes infligées servait tout naturellement à donner une image d’action et de fermeté destinée à couvrir les critiques sur la gestion de crise notamment relative aux masques ou aux tests de dépistage. Mais là encore, c’est avec le parfait consentement de la population qui en veut toujours davantage. Cependant, dans les périodes de grand trouble, l’air du temps est infiniment volatile. Cette exigence d’autorité peut soudainement se retourner en exaspération et en colère. Il suffit d’un rien pour que tout bascule. Un slogan fait d’ailleurs très mal en ce moment sur les réseaux sociaux : « la France seul pays au monde où on distribue des amendes plutôt que des masques ».

 

 

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Author: Redaction