Bâle, le 1er décembre 2015.
À l’invitation de la Commission fédérale de la communication (ComCom) et l’Office fédéral des communications (Ofcom) suisses, le réseau francophone de la régulation des télécommunications (FRATEL) a tenu sa treizième réunion annuelle sur « Quel impact des convergences entre réseaux sur la régulation des communications électroniques ? » à Bâle (Suisse), les 30 novembre et 1er décembre 2015, avec plus de 90 participants représentant 21 régulateurs membres du réseau francophone de la régulation des télécommunications, des institutions internationales (UIT, Commission européenne) et des acteurs du secteur (opérateurs, équipementiers et consultants).
La réunion a été ouverte par MM. Abayeh BOYODI, président de FRATEL et directeur général de l’ART&P du Togo, et Marc FURRER, président de la ComCom suisse. Ils ont tour à tour souligné lors de leur discours introductif, qu’il incombe aux pouvoirs publics et aux régulateurs de créer un cadre réglementaire adapté aux nouvelles technologies et attractif pour les investissements et un environnement favorable au développement des réseaux de communications électroniques. La régulation doit pouvoir répondre aux défis de la convergence tarifaire, commerciale, technique, observée tant sur les plans des services, y compris les « over the top », que des réseaux.
Présidée par M. Marc FURRER président de la ComCom suisse, la première table ronde a porté sur la convergence entre les réseaux de communications électroniques et les autres secteurs économiques organisés en réseau. Éric JAMMARON, de l’opérateur Axione, a affirmé que la convergence des réseaux a été permise par l’ouverture des infrastructures existantes comme le réseau électrique et la pression exercée par le régulateur sur les opérateurs. Il a cité, comme exemple, l’obligation imposée à l’opérateur historique d’ouvrir ses infrastructures de génie civil et la mise à disposition de son réseau de fibre optique de collecte. M. Sidy DIOP de Microeconomix a d’abord insisté sur le développement des câbles sous-marins en Afrique permettant l’amélioration de la connectivité du continent. Tout comme M. MEYER d’Arteria, filiale de RTE et d’EDF, il a mis en avant les projets et les avantages de l’utilisation du système électrique pour le déploiement du haut-débit fixe et mobile par la mise à disposition de fibres optiques, de points hauts pour des antennes relais et faisceaux hertziens et de la bande passante aux opérateurs de communications électroniques et ce, pour compenser en partie la faiblesse des réseaux télécoms dans certains pays. M. Frédéric GASTALDO de Swisscom Energy Services a, quant à lui, présenté des exemples d’utilisation des réseaux télécoms pour améliorer la performance d’autres réseaux avec l’utilisation des équipements intelligents pour la production de l’électricité ou encore des informations des smartphones connectés aux réseaux pour fluidifier les réseaux autoroutiers et adapter en temps réel la signalisation. Pour M. Peter GRÜTTER de l’Association Suisse des Télécommunications, l’enjeu est la création d’une régulation intelligente pour permettre l’interopérabilité au niveau mondial nécessaire vu la numérisation des sociétés et économies. Enfin, M. Jacques PROST, de l’ILR a présenté les outils juridiques actuels au Luxembourg comme le partage d’infrastructures pour éviter une duplication économiquement inefficace et les mesures envisagées, notamment avec la nouvelle directive européenne qui oblige l’ouverture du génie civil des autres réseaux aux opérateurs télécom, pour réduire le coût de déploiement des réseaux ultra haut-débit en permettant l’accès aux infrastructures existantes, y comprises celles d’autres entreprises de réseau (électricité, gaz, distribution d’eau, réseau ferré…) ou encore la coordination des travaux de génie civil qui représentent 70% du coût de déploiement.
La deuxième table ronde présidée par M. Marius Catalin MARINESCU, président de l’ANCOM de Roumanie, a traité de la régulation du nouvel écosystème numérique issu de la convergence des réseaux, la numérisation des services et des contenus. La discussion a été introduite par la Dr. Adrienne CORBOUD FUMAGALLI de la ComCom suisse qui a insisté sur, d’une part, la numérisation de la société (concrétisée par la fragmentation plus que la convergence des utilisations comme la consommation des médias devenue non linéaire et mobile, développement des réseaux sociaux, internet des objets) et, d’autre part, le soutien des infrastructures pour mettre en œuvre ce changement. M. Axel DESMEDT, membre du conseil du régulateur belge IBPT est revenu sur la régulation du câble coaxial en Belgique. Afin d’augmenter la concurrence via les services et d’éviter un duopole entre l’opérateur historique et les câblo-opérateurs, l’IBPT a imposé une offre activée y compris le multicast à l’opérateur télécom historique et l’ouverture du câble coaxial pour la télévision analogique, numérique et la revente de l’accès à la large bande. Il a également soulevé la problématique du goulot d’étranglement que peut représenter l’accès aux contenus « premium ». M. Ivan REJON du groupe Ericsson et M. Benny SALAETS, d’UPC Cablecom, ont plaidé pour une régulation efficace de ce nouvel environnement convergent en prenant en compte le degré de concurrence et l’inclusion de l’ensemble des intervenants du marché y compris les opérateurs « over-the-top » tout en permettant, d’une part, l’investissement dans les réseaux et l’innovation et, d’autre part, garantir la protection des données des utilisateurs finals. Selon Mme Ikram JEBABLI de l’INTT, les défis de la convergence auxquels le régulateur tunisien devra faire face nécessite d’utiliser plusieurs outils parmi lesquels l’analyse du marché gros de l’accès au haut-débit et très haut-débit fixe, la mesure de la qualité de services fixe et l’attribution des licences 4G. Enfin, M. Justin Aimé TSANGA EBODE, de l’ART du Cameroun a présenté le nouveau cadre institutionnel dans le secteur des communications électroniques au Cameroun qui a adopté une régulation adaptée à l’ère de la convergence afin de répondre aux attentes des acteurs du marché et utilisateurs finals aux intérêts parfois divergents.
La dernière table ronde présidée par M. Abayeh BOYODI, président de FRATEL et directeur général de l’ART&P du Togo et introduite par M. Abdelaziz TIB de l’ANRT du Maroc a mis en avant les outils réglementaires ou les potentielles évolutions de la régulation pour accompagner la convergence fixe-mobile et l’évolution des réseaux vers le tout-IP ainsi que pour inciter les opérateurs à offrir de plus en plus de services aux utilisateurs finaux. M. Jacques STERN, membre du collège de l’ARCEP de France et M. Remy FEKETE, avocat associé chez Jones Day ont rappelé qu’il revient à la régulation de lever les barrières et faciliter voire favoriser le mouvement de convergence fixe-mobile en rendant neutre l’accès aux infrastructures. Cela s’est matérialisé, en France, par l’ouverture de la boucle locale pour fournir tous les services et de la collecte pour l’acheminement des flux issus des sites mobiles raccordés en fibre optique sans sur-tarification. Dans les pays émergents, au-delà des solutions de partage ou de mutualisation des infrastructures passives, des mesures de régulation pourraient également encourager le raccordement et la collecte des BTS des opérateurs. Le wifi devient le lieu de convergence entre services fixes et mobiles et la régulation doit permettre de favoriser ces solutions innovantes de déploiement de réseaux. M. Philipp METZGER, directeur de l’Ofcom suisse, souhaite un traitement équitable entre opérateurs « over-the-top » et opérateurs traditionnels et que la régulation adresse les problématiques de sécurité des réseaux, la protection des données, le service universel par les réseaux mobiles ou encore l’interconnexion IP entre opérateurs fixes et mobiles. M. Omar IBRAHIM, du régulateur égyptien a présenté une méthode de calcul de terminaison d’appel basé sur le prix de détail « on-net » pour éviter les subventions croisées ou les situations de ciseau tarifaire. Enfin, M. Vincent ROGER-MACHART, directeur associé chez Tactis, après avoir rappelé la disparité des situations entre les pays sur le déploiement des réseaux fixes et mobiles, a insisté sur le rôle des pouvoir publics et régulateurs pour inciter à l’investissement dans l’infrastructure NGA et les réseaux dorsaux terrestres et la diversité d’interventions possibles pour les régulateurs tant au niveau du partage d’infrastructures qu’au niveau des accès aux infrastructures de réseau actives et passives.
La réunion annuelle a par ailleurs été l’occasion de nommer le nouveau comité de coordination, composé pour 2016 de l’ANRT du Maroc (président), de l’ART&P du Togo et de l’Ofcom suisse (vice-présidents), d’adopter le rapport d’activité 2015 et le plan d’action 2016 du réseau, qui prévoit la tenue du prochain séminaire au printemps, à Cotonou, sur «quelles solutions concrètes, notamment de partage d’infrastructure, pour un aménagement numérique du territoire ? » et l’organisation de la réunion annuelle au second semestre, à Luxembourg, sur «comment favoriser un déploiement efficace des réseaux de communications électroniques ? ».