Aujourd’hui, ce 2 juillet, nous avons assisté à une mobilisation générale de la France d’en haut, politique – de l’extrême gauche à l’extrême droite incluses – médiatique, intellectuelle. Pour quelle grande cause? Dénoncer le massacre de 160 soldats égyptiens par l’Etat islamique? Ou les destructions sauvages et barbares, aujourd’hui même de l’un des vestiges de l’antiquité à Palmyre? Ou encore la tuerie de 180 personnes commise par Boko Haram au Nigéria? Exprimer une compassion pour les enfants atrocement martyrisés au Sud Soudan? Pour les chrétiens et les yazédis persécutés, les centaines de femmes vendues comme esclaves sexuelles? Lancer un appel en faveur de la paix mondiale dans un contexte de chaos généralisé? Non, nous avons assisté à une levée en masse des élites françaises de tous bords, y compris les extrêmes, dans un grand élan unanimiste, pour sauver une émission de télévision, les Guignols de l’info de Canal+. Personnellement, je le dis sans ambages, je n’apprécie pas particulièrement cette émission qui ne me fait pas rire. L’humour méchant, d’où qu’il vienne, où qu’il frappe, ne m’amuse jamais. Je me souviens des ministres du gouvernement Fillon, entre 2008 et 2012, caricaturés tous les soirs, tous les soirs, en uniforme nazi, portant des brassards avec la croix gammée. Tellement facile, les insultes aussi ignobles à l’abri d’une marionnette… C’est mon droit, je crois, de ne pas rire de ce que je ne trouve pas drôle… Des émissions de télévision, supposées rigolotes ou sérieuses, il en naît et il en meurt tous les jours selon un cycle qui correspond à l’intérêt du public. Pour quelles raisons celle-ci, depuis un quart de siècle, se verrait sacralisée, éternisée, érigée en vache sacrée de la France d’en haut? Personnellement, j’aimais le bébête show, plus fin et moins teigneux, et il a bien disparu un jour. J’ai essayé de comprendre cette religiosité autour des Guignols, dans une tribune pour le Figaro Vox. Ce qu’il en ressort n’est pas beau à voir pour les élites françaises notamment politiques et médiatiques: instinct grégaire, lâcheté universelle, terreur du qu’en dira-t-on, conformisme poussé à son paroxysme, obsession de se raccrocher au vent du jour… Tiens, un étrange vertige me gagne, j’ai presque honte (peur) de ma solitude, d’être apparemment la seule voix discordante dans ce prodigieux élan de consensus médiatique. Mais j’ai fait une jolie trouvaille lors d’une lecture récente: « La bêtise humaine actuellement m’écrase si fort que je me fais l’effet d’une mouche ayant sur le dos l’Himalaya. » (La République des ducs, Daniel Halévy, Grasset 1937).
Maxime TANDONNET