Oui, bien sûr, on peut parler d’un échec à réconcilier la France, mais ce serait très superficiel de s’en tenir là. Lors de son discours d’investiture en mai 2017, le président Macron annonçait : « La première [exigence] sera de rendre aux Français cette confiance en eux, depuis trop longtemps affaiblie. Les Françaises et les Français qui se sentent oubliés par ce vaste mouvement du monde devront se voir mieux protégés. » Or, le phénomène Didier Raoult soudain surgi en 2020 à l’occasion de la crise du covid19 incarne une France déchirée au plus profond de sa chair comme elle ne l’a jamais été, entre les « élites » (ou supposées telles), parisianistes, intellectuelles, politiques, médiatiques, post frontières, qui n’ont de cesse que de vomir leur mépris envers le professeur Raoult et une France profonde qui s’identifie largement dans le provincial, paria de la science et de la médecine, à l’allure déjantée, non conformiste, vomi par les comités et revues scientifiques officiels. Mais cette rupture qui s’était déjà exacerbée avec la crise des Gilets Jaunes, n’est pas de la seule responsabilité de la présidence Macron. Elle est bien plus ancienne. Déjà Jacques Chirac fut élu en 1995 pour combattre la « fracture sociale » entre les élites et le peuple. Depuis, les choses n’ont jamais fait que s’aggraver au point d’atteindre aujourd’hui leur paroxysme.
- La polarisation du débat entre pro et opposant au professeur Raoult sur le plan de la croyance plutôt que sur le plan de la vérité scientifique est-elle symptomatique de l’esprit politique français?
Les Français sont connus pour être un peuple divisé, capables d’affrontements idéologiques violents. Nous pensons par exemple à l’affaire Dreyfus à la fin du XIXe siècle, une monstrueuse machination contre le capitaine Dreyfus, une erreur judiciaire sur laquelle se greffe un conflit idéologique entre les Intellectuels et les défenseurs de l’Armée qui va déchirer la France pendant des années. Autour de la chloroquine et du professeur Raoult, c’est la première fois, il me semble, que l’idéologie vient se greffer sur un médicament et parasiter le travail scientifique. C’est la première fois que le pays se déchire avec une violence inouïe sur un tel sujet. Les insultes proférées contre Didier Raoult, l’homme qui dérange, atteignent un niveau de mépris, de bêtise et de haine qui dépasse l’entendement. Il faut voir dans cet embrasement, cette mutation en querelle idéologique d’un problème de médicament qui aurait dû rester purement scientifique et médical, laissé à l’appréciation des médecins, un signe de l’abêtissement collectif des « élites » françaises. Ne pas être capable d’opérer une séparation entre les sujets d’ordre idéologique d’une part et médical ou scientifique d’autre part, est un signe patent du déclin intellectuel mais aussi de l’hystérisation de notre société médiatique.
- Quel a été l’impact politique de la décridibilisation par l’OMS de l’usage de la chloroquine dans le traitement du coronavirus ? Quelles en seront les conséquences ?
Le plus grave, c’est la perte de confiance dans les institutions. Les Français ont depuis longtemps perdu confiance dans les media, les partis politiques, les syndicats, comme le révèlent tous les sondages. Aujourd’hui, ce sont les plus hautes solennités scientifiques qui sont mises en cause, l’OMS impliquée dans des querelles entre la Chine et les Etats-Unis, voire même la célèbre revue Lancets et divers comités scientifiques multiplient les études selon lesquelles le traitement du professeur Raoult serait inefficace voire dangereux. En revanche, d’autres scientifiques, hors institution officielles et des médecins affirment exactement le contraire et avoir obtenus des résultats favorables en utilisant le traitement selon le mode prescrit. L’acharnement des institutions à vouloir décrédibiliser le docteur Raoult en devient suspect aux yeux de l’opinion publique. De graves questions se présentent aujourd’hui : pourquoi le sujet n’est-il pas resté strictement d’ordre médical ? Pourquoi a-t-il fallu quel les passions idéologiques viennent se greffer sur le sujet ? Pourquoi, comme devant chaque maladie, n’a-t-on pas respecté la liberté de prescription des médecins qui sont eux-mêmes des scientifiques au contact de leurs patients et les plus à même de juger de l’efficacité d’un traitement sur eux? Tout ceci est le signe d’un pays en perdition : faute de s’être donné les moyens de lutter contre le fléau d’une épidémie (masques, tests de dépistage, places de réanimation), il préfère se vautrer dans des querelles lamentables qui n’ont pas lieu d’être.