La transformation de l’organisation territoriale annoncée par le gouvernement n’a rien d’une simple réforme mais constitue un véritable bouleversement. Son ambition dépasse la mesure de simplification administrative et de suppression du "mille-feuilles" territorial, unanimement réclamée. Ce projet est d’une ambition colossale, surpasse dans son ampleur un changement de Constitution. En effet, en supprimant le département et en instituant 14 grandes régions, il ne change pas seulement le fonctionnement et l’organisation du pouvoir politique, mais il touche (me semble-t-il) à la nature même de l’Etat. Il tend à remettre en cause la tradition française républicaine – et même monarchique – de l’Etat unitaire pour s’engager dans une voie provincialiste voire fédérale. Les 14 grandes régions qui auront récupéré les compétences des départements seront des entités extrêmement puissantes, pouvant entrer en concurrence avec l’Etat. Ce choix politique n’est en aucun cas "de gauche": il marque une profonde rupture avec la tradition jacobine de la gauche française. Il correspond avant tout à une vision européenne. La France se rapproche des modèles allemands d’un Etat fédéral, Italien ou Espagnol, pourvus de puissantes régions ou "communautés autonomes". En arrière-plan de ce projet se trouve l’idée d’une Europe fondée sur de vastes entités régionales . Sans doute n’y a -t-il jamais eu de bouleversement institutionnel aussi profond dans notre pays depuis 1790 et la création des départements. Le chantier est titanesque, risque de soulever un gigantesque courant de protestation des élus locaux dont ils remet en cause les positions et une grave impopularité, au centuple du référendum Corse perdu de 2003… A vrai dire, on discerne mal les motivations politiques d’un pouvoir engageant sa crédibilité et son avenir sur une véritable "mission impossible", une montagne à déplacer, qui lui vaudra autant de colère à droite qu’à gauche.
Maxime TANDONNET