L’accord de l’eurogroupe, dimanche 12 juillet, décidé à l’unanimité des 19 pays de la zone euro impose à la Grèce des réformes financières, économiques et sociales extrêmement profondes, sinon radicales. Ces exigences correspondent à un chantier titanesque, visant à transformer la société grecque: voire le lien ci-joint. Ce catalogue n’est à l’honneur de personne. Il démontre que l’Union européenne n’a pas fait son travail. En principe un pays n’est admis dans l’Union et a fortiori dans la zone monétaire, qu’après avoir rempli un certains nombres de critères de convergence, qui donnent lieu à un minutieux examen de passage. Manifestement, la Grèce est à mille lieues de satisfaire à ces normes. Les experts se sont misérablement trompés depuis le début. Cette liste de réformes imposées, qui enterre toute idée de respect des souverainetés et de l’indépendance, ouvrant un précédent susceptible de s’appliquer à d’autres pays, n’est pas seulement technique. Elle semble, dans sa présentation même, destiné à humilier et à rabaisser la nation grecque. Elle est rédigée comme un véritable ultimatum, enfermé dans des délais irréalistes, sinon absurdes: faire adopter par le Parlement le 15 juillet, c’est-à-dire demain, de projets de loi d’ampleur colossale… Et le reste avant le 22 juillet… Sans doute faut-il y voir, dans cette volonté d’humilier, des représailles directes à l’issue du référendum grec. Comment rabaisser davantage une nation, un peuple qu’à travers un ultimatum de ce genre? Les questions économiques et financières s’effacent devant la passion de dominer et d’asservir. L’histoire ne se répète jamais à l’identique, dans un monde en transformation permanente, mais elle connaît d’étranges bégaiements qui soulignent la constance des comportements humains. Le 23 juillet 1914, l’Empire d’Autriche-Hongrie, appuyé par l’Empire de Guillaume II, adressait un ultimatum vengeur à la Serbie à la suite de l’attentat de Sarajevo, assorti d’un délai de 24 heures pour répondre, qui devait embraser l’Europe. Il est évident que ce nième plan dit de sauvetage de la Grèce ne résoudra strictement rien, dans un pays exsangue, ruiné, désindustrialisé, sans ressources. La seule solution pour la Grèce est de sortir de l’euro et de recouvrer une autonomie monétaire et financière. Tout le monde le sait. Mais l’idée même d’écorner une sorte de dogme idéologique, la monnaie unique, cache-misère de l’impuissance européenne sur tous les grands dossiers du moment (terrorisme, Irak/Syrie, emploi, immigration…) terrifie ce petit monde qui ne veut pas en entendre parler. Le comportement de l’eurogroupe, sous la domination de la superpuissance allemande, viole l’article 4 du traité sur l’Union européenne: « 2. L’Union respecte l’égalité des États membres devant les traités ainsi que leur identité nationale, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l’autonomie locale et régionale. Les dirigeants grecs, après avoir joué les fiers à bras, se vautrent eux-mêmes dans un asservissement indigne. Le choix qui a été fait – de maintenir la Grèce dans l’euro en dépit de l’évidence – conduit à plus ou moins long terme à une catastrophe européenne: un retour des rapports de forces entre dominants et dominés et le vertigineux réveil des rancoeurs et des nationalismes haineux et vulgaires que l’on croyait éteints pour toujours. Et voici, à jamais trahi, foulé au pied, ridiculisé le bel idéal européen des Pères fondateurs : celui d’une « union toujours plus étroite entre ses peuples. »
Maxime TANDONNET