La loyauté est une vertu à laquelle je suis profondément attaché et je suis toujours outré de voir des anciens conseillers de Sarkozy qui lui doivent absolument tout, leur montée en politique, leur mandat, et qui se retournent contre lui, le critiquent méchamment voire même vont jusqu’à ce présenter à des élections contre lui. Ce phénomène m’est insupportable. Toutefois, il me semble que dire ce que l’on pense ou l’écrire, dans la plus absolue courtoisie, n’est pas une marque d’infidélité. Au contraire, la flagornerie, la dissimulation de ce que l’on pense est une forme de trahison: cacher ses sentiments et ses idées pour espérer une faveur, c’est priver la personne concernée d’un avis divergent qui, pourquoi pas, pourrait lui être utile. Personnellement je dois à mes sept années passées dans la « Sarkozie » (2005-2011) ni mandat ni promotion, mais la richesse inouïe d’une expérience au cœur du pouvoir et la fierté d’avoir travaillé à ses côtés. Je lui en serai toujours reconnaissant. Mais pourquoi ne pas le dire, sa déclaration de candidature qui débouchera peut-être sur son élection, me laisse un arrière-goût de perplexité.
Le mythe du chef, du boss qui revient et qui s’apprête à sauver le pays me laisse de marbre. Je n’y crois pas. Le rôle d’un président est d’insuffler un esprit, une volonté, de s’entourer, d’incarner un retour à la confiance et de laisser les autres gouverner. L’idée d’un homme qui tient dans ses mains les manettes de l’avenir est fausse. Dans un monde infiniment complexe, la société ne peut évoluer en bien qu’avec une volonté collective, un gouvernement, des ministres puissants et engagés au service du bien commun, un Parlement respecté, actif, des citoyens engagés et unis par la confiance dans une direction commune. Il n’est pas de pire danger que la reproduction du modèle actuel, cette image de l’hyper président qui occupe chaque jour l’espace médiatique ne cesse de parler et veut incarner à lui seul la politique de l’emploi de la sécurité, l’Europe, la diplomatie, les questions militaires, enfin tout, au mépris du bon sens, et de la vérité. Ce culte du chef tout puissant, qu’il eût mieux valu laisser aux extrémistes de droite comme de gauche, m’est de plus en plus insupportable. Car il est mensonger.
Le président Sarkozy annonce une politique de grande fermeté, d’identité et de retour à l’autorité. Il choisit comme emblème le regroupement familial. Ce n’est pas mon sujet du jour et je n’ai pas envie de m’y étendre. Pourtant, le regroupement familial aujourd’hui n’est pas un problème pour la France. Il est défini par une loi du 24 juillet 2006, justement la loi Sarkozy, qui prévoit des conditions précises de logement, de revenu et d’intégration pour faire venir sa famille en France. Le nombre de bénéficiaire est plutôt bien maîtrisé, autour de 20 000 en moyenne par an. Pourquoi remettre en cause ce qui justement, marche bien grâce à une réforme consensuelle dont il est l’auteur (enfin, le « porteur ») ? Les difficultés de l’immigration en Europe et en France viennent de tout autre chose: l’incapacité des gouvernements à faire respecter les lois sur l’entrée et le séjour notamment au regard de l’immigration irrégulière . Bien sûr, on me dira, le regroupement familial, c’est un symbole; un symbole, c’est-à-dire un chiffon rouge qui excite les foules quand on l’agite. Mais pourquoi ne pas laisser la méthode des chiffons rouges qu’on agite et qui n’ont strictement aucun intérêt, aucune portée pratique, aux partis extrémistes, de droite comme de gauche?
Enfin, le président Sarkozy annonce, dans son interview au Figaro, que M. Baroin est le mieux placé pour devenir son Premier ministre. La contradiction entre le choix de M. Baroin (qui voulait interdire les crèches dans les mairies) et le discours d’identité, axé sur la religion chrétienne du président Sarkozy m’intrigue. Cela veut-il dire que l’avis du futur Premier ministre n’a aucune importance? Et on en revient au modèle du « collaborateur » de 2007-2012? Ou bien que le discours sur le christianisme est de circonstance? Mais surtout, le fait de désigner un Premier ministre pressenti huit mois à l’avance me trouble profondément. Cela signifie que le choix du Premier ministre est un simple appendice de la volonté présidentielle. Les futurs rapports de force au Parlement, les résultats des élections, donc la volonté populaire et la possibilité de l’émergence de nouveaux leaders se trouvent ainsi niées. Nous poursuivons dans la logique de l’hyper présidence de type hollandaise, ce système qui ronge le pays depuis trop longtemps, concentrant toute l’image de la vie politique et de la vie publique dans le visage d’un homme, comme aux pires époques de l’histoire, cet homme étant voué à devenir le bouc émissaire du pays, le réceptacle de toutes les déception et de toutes les frustrations, puis à l’entraîner comme un boulet dans l’abîme.
Enfin, une chose qui m’exaspère particulièrement, c’est la cohorte des ralliements de personnages qui le méprisaient et le haïssaient en privé il y a si peu de temps. Ceux-là, je les ai repérés.
Quand je dis qu’il faut en sortir, nous n’en sortons pas et nous enfonçons toujours un peu plus profondément dans le marasme.
Maxime TANDONNET