Il est particulièrement impressionnant d’observer la ferveur gaulliste des politiques en ce moment. Tous multiplient les signes de reconnaissance envers le Général, en cette veille d’élection nationale: pèlerinage de Colombey ou de Bayeux, avalanche d’hommages, etc. Tout le monde a été, est ou sera gaulliste comme Malraux fait dire au Général. D’Hidalgo à le Pen en passant par la gauche, le centre et la droite. Cette nostalgie est-elle forcément de très bon goût? C’est toujours pareil, que penserait le Général de cet effet de banalisation? Jamais la France n’a été aussi éloignée du mythe gaullien: déclin économique et financier, intellectuel, impuissance face aux crises migratoire et sécuritaire, désindustrialisation, saccage de l’Etat et des services publics, perte de l’indépendance nationale et de la souveraineté à travers la dette publique et l’emprise croissante des juridictions européennes sur la vie publique, etc. Alors, par compensation avec une situation qui ne manquerait probablement pas d’horrifier le Général, la classe politique de A à Z verse dans une sorte d’exaltation gaulliste bien plus artificielle que sincère. Le message gaullien voudrait que le pays se retrousse les manches, se rassemble et se mette au travail pour sortir de l’impasse en réinventant ses institutions et sa conscience politique. De fait, l’air du temps général est bien davantage au renoncement pétainiste qu’au goût de l’audace et de l’effort gaullien. C’est sans doute pourquoi, par contraste, tout le monde se bouscule sur la tombe du Général.
MT