Le président de Nintendo, Satoru Iwata, a annoncé une prise de participation dans DeNA, un éditeur de jeu sur smartphone. Le japonais n’abandonne pas les consoles pour autant puisqu’un nouveau modèle serait en préparation.
Petite révolution de palais chez Nintendo. Le géant japonais du jeu vidéo a annoncé ce matin qu’il allait prendre pour 22 milliards de yens (170 millions d’euros) 10% du capital de la société DeNA spécialisée notamment dans le jeu vidéo sur mobile. Cette dernière va acquérir en retour 1,24% du fabricant de consoles. L’objectif : « Codévelopper et gérer en commun des applications de jeux pour des objets intelligents », a fait savoir ce matin lors d’une conférence Satoru Iwata, le président de Nintendo. Pour faire court, Nintendo va donc bel et bien exploiter ses licences (Mario, Zelda, Pokemon, Donkey Kong, Pikmin…) sur mobile.
Pressé par les analystes du secteur, Nintendo a finalement décidé de céder aux sirènes du mobile ce qu’il s’était jusqu’à présent toujours refusé à faire. En février dernier encore, Satoru Iwata, avait réaffirmé la position du géant japonais : pas de jeu sur mobile mais des applications. « Par le passé, je me suis opposé à ce que l’on fasse des versions mobiles des jeux Nintendo. Nous avons donc l’intention de développer des logiciels qui permettront aux utilisateurs d’identifier les nouveaux produits Nintendo et de les amener vers nos jeux », avait-il rappelé lors d’une interview au quotidien japonais Nihon Keizai. Mais depuis le patron de Nintendo a donc mis de l’eau dans son saké et ce pour plusieurs raisons.
1. LA FORTE CROISSANCE DU JEU SUR MOBILE
Certes, la montée en puissance du jeu sur smartphone n’est pas nouvelle mais elle ne peut plus désormais être ignoré par les grands du secteur des consoles. Selon une étude de l’institut Newzoo, les revenus du jeu sur mobile ont représenté 25 milliards de dollars en 2014 et devraient grimper à 30,3 milliards en 2015 et ainsi égaler ceux tirés de l’écosystème des consoles (machines + jeux) qui devraient atteindre 30 milliards cette année selon l’Idate. Mais surtout le jeu sur mobile devrait dépasser le jeu sur console à l’horizon 2017 avec un chiffre d’affaires estimé par Newzoo de 40,9 milliards de dollars. Ne pas lancer ses licences sur ces nouveaux terminaux que sont les smartphones et les tablettes risquait à terme de marginaliser Nintendo.
2. LES MODÈLES ÉCONOMIQUES SE METTENT EN PLACE
Le gros frein de Nintendo était jusqu’à présent le prix des jeux sur mobile. Vendus généralement moins de 2 euros (et souvent même gratuits), les jeux sur mobiles ne permettaient pas à Nintendo (et autres éditeurs classiques d’ailleurs) d’amortir leurs coûts de production très élevés. Le développement d’un Zelda par exemple dure plusieurs années et coûte plusieurs millions voire dizaines de millions d’euros. Difficile de le vendre une poignée d’euros. Mais Satoru Iwata l’a rappelé : « Les jeux vidéo sur mobiles sont plus des services évolutifs à entretenir que des produits finis vendus une fois pour toute ». De plus en plus de jeux proposent aux utilisateurs des extensions et améliorations payantes qui leur permettent de générer des revenus réguliers tout au long de la durée de vie du jeu. De quoi amortir sur la durée des coûts de production plus élevés.
3. LE SMARTPHONE EST COMPLÉMENTAIRE À LA CONSOLE
La crainte pour Nintendo en allant sur le mobile était de lancer un mauvais signal aux joueurs qu’on pourrait résumer comme ça : « les consoles sont mortes, place aux smartphones. » Et ça le japonais ne le veut pas. Car même si la vente de consoles n’est pas la plus rentable pour les fabricants, elle leur permet de maitriser leur expérience de jeu et de développer des titres spécialement conçus pour leur machine. En développant des jeux pour une multitude de plateformes, Nintendo risquerait de se diluer et de perdre de son attrait. On l’a d’ailleurs vu avec le japonais Sega qui depuis qu’il a arrêté de fabriquer ses propres machines n’a jamais pu s’imposer comme un éditeur tiers incontournable.
Mais là encore, Nintendo semble avoir quelques certitudes. Le smartphone ne va pas tuer le marché des consoles qui reste florissant malgré la concurrence des nouveaux terminaux. Si le jeu sur mobile va dépasser celui sur console cette année ou l’année prochaine c’est qu’il conquiert de nouvelles parts de marché auprès des non-joueurs. Car les consoles continuent à bien se vendre. En témoigne l’énorme succès de la PS4 dans le monde ou encore celui de la 3DS qui enregistre au Japon des ventes records depuis quelques mois. D’ailleurs pour rassurer ses fans, Nintendo a annoncé travailler au développement d’une nouvelle console dont le nom de code est NX. « Un tout nouveau concept » selon Iwata et dont on ne sait s’il s’agit d’une console portable ou de salon. Une machine qui pourrait être présentée au salon E3 de 2016 et peut-être sortir plus vite que prévu aux vues du succès mitigé de l’actuelle Wii U.
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