Une avalanche de sondages vient de s’abattre sur le monde médiatique. Ils vont tous dans le même sens, celui d’une hausse spectaculaire de la popularité des dirigeants et de la confiance dans les politiques après les attentats du 13 novembre. C’est curieux, en écoutant les conversations entre amis, en famille, dans le métro, sur le marché de ma commune, je ne ressens absolument pas cette impression, bien au contraire. Il en ressort plutôt une profonde inquiétude pour l’avenir, le sentiment d’un péril interne et externe, qui n’en est qu’à ses débuts, la marche progressive vers un conflit planétaire. L’opinion ne croit à aucune solution politique et les sondages eux-mêmes sont largement suspects. Le pays semble fluctuer au gré des questions/réponses à la va-vite par téléphone sur un échantillon supposé représentatif, mais il n’en ressort aucune tendance de fond ni espérance sur le long terme. Jamais nous n’avons connu un pareil désenchantement, tristesse, préoccupation depuis la Libération en 1944, jamais. Le climat post-attentats qui est entretenu par les médias n’a aucun sens. Les Français sont assez intelligents pour comprendre qu’il n’y a pas une once d’espoir du côté des partis extrémistes et démagogiques, même s’ils les utilisent pour exprimer leur colère. Je suis convaincu qu’ils n’accordent pas une grande crédibilité au pouvoir actuel malgré un matraquage médiatique qui dépasse l’imagination. Ils ne voient rien venir non plus du côté de l’opposition qui ne cesse de resservir les mêmes plats. Bien sûr, l’un des points communs à toutes ces enquêtes est la relative popularité de M. Alain Juppé. Oui, mais qu’il y a-t-il derrière? Une image, une stature, une posture du sagesse. Mais sur le plan des projets, des idées, des gages de volonté, tout reste à faire. Comment le politique peut-il représenter un nouvel espoir pour les Français? Deux conditions préalables me semble-t-il, bien loin d’être réunies. La première est d’admettre, reconnaître les lâchetés, les bêtises, les renoncements du passé et qui ont conduit à la tragédie actuelle. Le chômage massif, la fragmentation du pays, sa désintégration, sa violence, le fleuve de sang qui a coulé le 13 novembre ne sont pas tombés du ciel ni venus de la seule fatalité ou d’un mauvais coup du destin. Oui, collectivement, tous ceux qui ont pris part aux divers gouvernement mais aussi à la vie médiatico-politique, à l’expression publique, par son impact sur le climat général, l’air du temps, ont une part de responsabilité. La seconde est de mettre en avant l’idée d’une refondation de la politique: en finir avec l’ultra-narcissisme de la vie publique organisée, depuis des décennies, autour des gesticulations de dirigeants, les polémiques, les postures, les coups d’éclats, la récupération des émotions collectives, la politique spectacle, les idolâtries de pacotille et autres cultes de la personnalité ; la recentrer autour des débats d’idées, des projets collectifs dans une quête de dépersonnalisation, d’anonymat, redécouvrir ce qu’est la volonté générale, la démocratie, le pouvoir du peuple, le bien commun. Que des personnages apparaissent au grand jour, il le faut sans doute, mais avec un minimum de décence, de discrétion et désintéressement personnel, dans un contexte temporaire et sur la base d’une action, non d’un flot de paroles, comme serviteurs du bien public et non comme roitelets ambitieux. Bien sûr, cela ne se fera jamais du jour au lendemain. Mais c’est tellement évident qu’il faut tendre vers cet objectif. Aucun salut collectif n’est envisageable sans une transformation de la vie politique en profondeur pour l’éloigner du spectacle et la rapprocher du bien commun. Alors pourquoi aucune voix publique, médiatisée, ne tient-elle ce discours tout simple de la vérité?
Maxime TANDONNET