– Le président de la république reste obsédé à l’idée d’utiliser l’entre deux tours des régionales pour fracturer la droite en lui imposant de se déterminer entre RN et LREM. Mais n’est-ce pas dangereux politiquement pour lui ? Ne risque-t-il pas, non seulement de griller Jean Castex (qui s’est mis en avant dans l’affaire Muselier en PACA), mais de souligner au passage la faiblesse de LREM ?
Nous vivons une période politique sans précédent, dans laquelle toute notion de bien commun semble gommée au profit de l’exaltation d’un narcissisme absolu tourné vers l’obsession de la réélection. La vie politique consiste pour l’essentiel à noyer dans un écran de fumée de gesticulation permanente une situation désastreuse avec 4 à 6 millions de chômeurs, une dette publique astronomique, dix millions de pauvres, une explosion de la délinquance et de la violence, une catastrophe sanitaire déjà presque oubliée. Face à un tel bilan, le salut de l’occupant de l’Elysée passe par une surenchère de combinaisons politiciennes. Ayant brûlé ses vaisseaux à gauche et face à la faillite de LREM, il tente de brouiller les cartes et de détruire la droite pour favoriser une recomposition en sa faveur comme nous l’avons vu en région PACA. Toute sa stratégie politique consiste à pousser la confusion de la politique française à son paroxysme en balayant d’un revers de main les sujets de fond et en réduisant le choix de l’électeur à une alternative entre le supposé bien progressiste qu’il est censé incarner et le mal populiste ou soi-disant épouvantail lepéniste. Et de fait, cela semble assez bien marcher…
– Emmanuel Macron ne semble pas se rendre compte que l’électorat LR est en majorité sinon résigné, du moins pas vraiment franchement décidé à faire échouer sa réélection. Prend-il le risque de les faire basculer dans une opposition frontale à sa personne (et donc à basculer vers le RN) à force de multiplier les provocations à leur endroit ?
L’électorat LR est fractionné en trois composantes : une majoritaire prête à se rallier à la candidature Macron contre le Pen au second tour sinon au premier ; l’autre minoritaire en passe de rejoindre l’électorat lepéniste ; et la troisième, ultra-minoritaire en révolte contre cette violence antidémocratique qui consiste à la priver de véritable choix et qui n’optera jamais ni pour l’un ni pour l’autre. Le climat politique actuel est dominé par une extrême confusion, une perte des repères et quasi-disparition des convictions qui facilite le délitement de la droite privée de toute référence idéologique et ainsi aisément malléable. L’opposition frontale à la personne du président existe mais elle est noyée dans l’indifférence générale. Le choix binaire entre deux néants, deux héroïsmes de pacotille, macronisme et lepénisme qui n’ont rien d’autre à proposer que deux formes de culte de la personnalité comme paravent du vide et de la destruction, semble en voie de triompher dans l’apathie générale d’un peuple largement dépolitisé, privé par un demi-siècle d’effondrement scolaire des outils intellectuels d’une vision critique et comme hypnotisé par un matraquage médiatique inouï en faveur de l’occupant de l’Elysée.
– La confusion politique que le président entretient est-elle de nature à lui donner une ligne et un programme clair pour 2022 ? Le véritable enjeu pour lui n’est-il pas, au-delà de se faire réélire, d’être en situation de gouverner effectivement au lendemain de sa réélection ?
Une ligne et un programme clair pour 2022 ? Franchement cela n’a plus grande importance. L’idée même de bilan et de programme est désormais noyée dans la sublimation narcissique. Tout ce qui compte est de séduire une fraction suffisante de l’électorat par une vertigineuse débauche de mise en scène afin d’assurer la réélection dans le scénario du bien progressiste contre le mal populiste. C’est en cela que le personnage de Mme le Pen exerce un rôle crucial. Le lepénisme est l’autre face du macronisme et l’assurance de sa pérennisation. Quant à gouverner après 2022, la question ne se pose même pas. L’après 2022 consistera à continuer pendant un quinquennat supplémentaire le grand spectacle nihiliste autour de l’exaltation d’une image narcissique et d’une profusion de tours d’illusionnisme sur fond de poursuite de l’effondrement général. Alors bien sûr, cette politique de la table rase est dangereuse. Dès lors que la politique se réduit à l’exaltation d’une image narcissique surmédiatisée, elle perd le contact avec la réalité. La bulle émotionnelle autour du chef de l’Etat est fragile, menace à tout moment d’exploser. Pour l’instant, le pays semble noyé dans l’indifférence, l’apathie et l’abrutissement quotidien. Cette torpeur peut dégénérer d’un seul coup quand on s’y attendra le moins en révolte violente avec des conséquences apocalyptiques.