– Plusieurs manifestations contre le projet de passe vaccinal et les restrictions sanitaires se sont déroulées ce samedi à travers le pays. 105.200 manifestants étaient mobilisés dans toute la France dont 18 000 à Paris, selon le ministère de l’Intérieur. Quels sont les enseignements de cette nouvelle journée de mobilisation contre le passe vaccinal et contre la politique sanitaire d’Emmanuel Macron ?
En soi, cette mobilisation même en hausse demeure marginale. En tout cas, 105 200 manifestants, ce n’est sûrement pas de nature à infléchir la politique du gouvernement. Il en faudrait dix fois plus pour susciter un début de prise de conscience à la fois des dirigeants politiques et de la classe politique. Les opposants au passe vaccinal ne manquent pas d’arguments de bon sens : cette « obligation vaccinale déguisée » fracture la France, engendre une sous-citoyenneté ou minorité privée de certains droits qui n’est sans doute pas prête de céder à ce qu’elle ressent comme une forme de chantage. En outre, « Nul ne peut être contraint à faire ce que [la loi] n’ordonne pas » selon l’article 5 de la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Or la loi n’ordonne pas la vaccination et le passe vaccinal revient ainsi à châtier 5 à 6 millions de personnes sans qu’elles n’aient rien commis d’illégal… Voilà qui est sans aucun précédent. Le niveau de la mobilisation n’est pour l’instant pas à la hauteur d’un tel enjeu de civilisation.
– Au regard de la mobilisation en hausse, les propos du président de la République sur son « envie » « d’emmerder les non-vaccinés » a-t-elle participé à ce regain et à renforcer les convictions du mouvement ? La stratégie du chef de l’Etat peut-elle contribuer à donner un second souffle au mouvement ?
Oui, sûrement, mais n’est-ce pas le but recherché ? Pour l’instant le bilan de cette petite phrase est plutôt favorable au chef de l’Etat. Les sondages sont assez bons. Au premier tour les intentions de vote en sa faveur ont encore augmenté ! Une large majorité de Français selon les sondages, approuve le fond de son propos et une faible majorité en désapprouve la forme… Mais c’est bien le fond qui est l’essentiel et conforte M. Macron. La majorité LAREM est restée unie, l’opposition LR, la seule dangereuse s’est déchirée. Provoquer, déchirer, exciter les passions fait partie de son jeu et lui permet de se poser en protecteur de l’ordre et de plaire à son électorat conservateur, celui notamment des retraités et cadres supérieurs. Si le mouvement prenait de l’ampleur, il pourrait devenir inquiétant. A ce stade, il ne l’est pas vraiment… Il est presque rassurant pour le pouvoir : il lui permet implicitement de comparer les 100 000 manifestants aux 65 millions de Français. Un sur 650…
– L’absence de débordements majeurs est-elle un « bon signe » pour la suite de ce mouvement, notamment après les propos chocs d’Emmanuel Macron et au regard des incidents et des scènes de violence lors de rassemblements contre les restrictions sanitaires, notamment aux Pays-Bas ?
Elle est un bon signe pour les organisateurs qui se sont montrés capables de maîtriser leurs troupes. Elle rassure sans doute aussi les dirigeants du pays pour l’instant à l’abri du syndrome Gilets Jaunes. Mais là n’est pas l’essentiel. Le pays est plongé dans une profonde torpeur. Il est tétanisé par la communication alarmiste du pouvoir qui parle de raz-de-marée ou de tsunami et les médecins de plateau ou autres marchands d’apocalypse. Nous sommes plongés dans une logique de servitude volontaire. La peur permet tout, justifie tout, rend le peuple dans son ensemble indéfiniment malléable et servile. La classe politique y compris dans l’opposition, suit dans l’ensemble le grand mouvement grégaire. Cette terreur collective, largement entretenue – alors que le taux de mortalité est conforme à la moyenne – est la source de toutes les soumissions et de tous les conformismes. A ce stade, on ne voit guère de raison d’espérer… Il est vrai que le passe vaccinal soulève de sérieuses questions de conformité à l’article 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme précité. Mais qu’espérer vraiment du Conseil Constitutionnel dans ce genre de situation dominée par la peur ?