Sur les « Etats généraux de la droite »: au-delà des idées, comment retrouver le chemin de la confiance?

« Nous autres, partis politiques, nous savons que nous sommes mortels », dirait-on pour parodier la célèbre citation de Valéry. Les cimetières politiques sont remplis d’anciens partis qui se sont désintégrés : l’Alliance républicaine qui soutenait Raymond Poincaré dans les années 1920, le parti radical, qui a dominé la IIIe République pendant plus d’un demi-siècle, le mouvement républicain populaire ou MRP, formation démocrate-chrétienne de Georges Bidault et Robert Schuman qui rayonnait à la Libération, le parti communiste français. Ces mouvements ne se sont pas volatilisés. Il en reste parfois quelques vestiges, mais sans le moindre rapport avec leur splendeur de jadis.

A l’heure actuelle, les deux grands partis dits « de gouvernement » de la Ve République, socialiste et LR (ex UMP) luttent pour leur survie. Ces deux formations qui ont dominé de manière écrasante la vie politique française, fournissant alternativement des présidents de la République et des majorités présidentielles, connaissent un destin parallèle. Ils sont entrés dans une logique de désintégration à partir de 2017 et de la prise de l’Elysée par Emmanuel Macron déterminé à promouvoir « le renouvellement » et la « transformation de la France » vers un « nouveau monde »… L’un comme l’autre, ont explosé à la suite des débâcles électorales de 2017 et de 2022.

Le parti socialiste, unifié par François Mitterrand en 1971, s’est scindé en trois groupes : les partisans de M. Macron, l’aile gauche avec la Nupes et la fraction républicaine (ou classique) que tente d’incarner M. Cazeneuve, ancien Premier ministre de François Hollande. 

La fragmentation de la droite LR – en partant de ce qu’elle était encore en 2016 – est encore plus spectaculaire : les ralliés au pouvoir macronistes (Bruno le Maire, Gérald Darmanin, Eric Woerth) ; les partisans d’un « accord de gouvernement » (Nicolas Sarkozy, Rachida Dati) ; les « opposants constructifs », qui ont soutenu la « mère des réformes » du président Macron sur les retraites (Eric Ciotti, Bruno Retailleau,  Olivier Marleix) ; les « frondeurs » favorables à une opposition sans concession (Xavier Bertrand, Aurélien Pradié) ; et enfin l’aile droite ou identitaire qui a rejoint Reconquête d’Eric Zemmour.

En politique, l’unité est souvent synonyme de succès tandis que la division fait fuir l’électorat. Dès lors, tous les efforts de l’état-major des Républicains (LR), dominé par la ligne des « opposants constructifs » se focalisent aujourd’hui sur la survie du parti. L’organisation des Etats Généraux de la droite constitue à cet égard une initiative ambitieuse et une chance de réconciliation à saisir. Les organisateurs de ce séminaire mettent en avant deux principes : la désignation rapide d’un candidat aux présidentielles, qui serait Laurent Wauquiez, et le recentrage de la vie du mouvement sur le débat d’idées. Ils souhaitent ainsi reprendre la main sur l’avenir du parti en traitant les deux faiblesses généralement considérées comme la cause de ses échecs : l’absence d’un leader et le renoncement idéologique.

La démarche est évidemment louable mais elle ne répond pas à la question essentielle : comment regagner la confiance populaire ? Comment convaincre les électeurs qui ont quitté la droite pour rejoindre le macronisme d’une part, Reconquête ou le RN d’autre part ? Et surtout, comment tendre la main à la masse immense des abstentionnistes qui ont perdu toute confiance en la politique (54% aux dernières législatives) ? La désignation d’un leader ou futur candidat, en soi, n’est pas suffisante et le retour aux idées non plus, dès lors que celles-ci sont d’ores et déjà galvaudées et maniées à toutes les sauces y compris par les dirigeants en place (souveraineté, immigration, sécurité, réindustrialisation, etc.)

Le véritable secret du succès tient au retour de la confiance. Mais le défi est d’un tout autre ordre de difficulté : qu’est-ce qui nous prouve, après tant de déceptions, de trahisons de la parole donnée, de naufrages de la politique française dans les gesticulations narcissiques, que votre intention est d’œuvrer au seul bien commun plutôt que de satisfaire vos ambitions personnelles ? Qu’est-ce qui nous permet d’espérer, de votre part, un renoncement à l’arrogance et à la politique du mépris telle qu’elle s’applique aujourd’hui ? De croire en votre volonté de réhabiliter le respect intangible du peuple souverain ? Après tant de promesses d’exemplarité dans l’histoire récente qui ont été foulées au pied, quelle garantie offre-vous de ne plus jamais tolérer la corruption au sommet de l’Etat ? Enfin quelle preuve pouvez-vous nous apporter que votre intention, à l’inverse de l’expérience vécue du pouvoir actuel, est d’agir en serviteurs de la Nation ou de l’intérêt général plutôt qu’en demi-dieux ivres d’eux-mêmes ? C’est à toutes ces question qu’il convient d’apporter une réponse crédible.

MT

Author: Redaction