De fait tout dépend de la tournure que vont prendre les événements, ce que nul ne peut réellement prévoir aujourd’hui. Si un accord de paix est trouvé dans les mois qui viennent, l’impact de ce conflit sur nos vies quotidiennes sera limité. Il sera essentiellement de nature économique. Nous nous dirigeons inéluctablement vers une forte inflation due aux prix de l’énergie, une baisse du pouvoir d’achat et une explosion du chômage. L’Etat va continuer à recourir à la « planche à billets » aggravant l’endettement public. C’est un grand bond dans le passé et le retour aux années inflation/chômage ou stagflation comme on disait dans les années 1970. On se dirige vers un appauvrissement général de la population qui devra adapter son mode de vie en réduisant les déplacements et les voyages. En revanche, si le conflit dure et s’il dégénère avec une intervention des forces de l’OTAN, nous entrons dans la logique d’une troisième guerre mondiale, la perspective de graves pénuries alimentaires, de bombardements des villes et de chaos généralisé. Mais nous n’en sommes pas là, en tout cas pas encore…
Alors que la guerre en Ukraine est loin d’être terminée, plus de trois millions d’Ukrainiens ont déjà quitté leur pays pour se réfugier en Europe. Les Etats européens s’organisent mais face à un nombre chaque jour croissant et une issue de guerre incertaine, faut-il se préparer à un accueil plus durable de ces populations ? En quoi cela va-t-il avoir des conséquences sur nos vies ?
Là aussi, tout dépend de la durée du conflit. Plus il se prolonge et plus les populations réfugiées seront enclines à s’implanter durablement dans les Etats d’accueil. Les Etats ont mis en place des dispositifs d’accueil d’urgence et d’hébergement qui leur permettent de gérer ce genre de situation. A court terme le coût budgétaire de cet accueil, qui passe notamment par la réquisition de places en hôtel est élevé. A long terme, l’apport de main d’œuvre extérieur peut être favorable quand l’économie est en croissance – on l’a vu quand l’Allemagne a accueilli un million de Syriens en 2015 et 2016. Cependant, le vrai sujet est l’avenir de l’Ukraine. Quand cette guerre absurde et fratricide prendra fin, il faudra songer à sa reconstruction et le pays aura besoin de ses forces vives comme d’une aide extérieure. Les réfugiés sont des personnes et des familles qui ont été contraintes, pour sauver leur vie, de fuir leur pays. Il est à souhaiter, pour les Ukrainiens qui ont tout perdu aujourd’hui et pour l’Ukraine qu’ils puissent au maximum retrouver leur maison et leur vie quotidienne.
Plus largement, Dans quelle mesure nos quotidiens et nos perspectives d’avenir vont être durablement et profondément affectés par les conséquences de la guerre en Ukraine ?
« La force de l’histoire » comme dit Péguy est totalement imprévisible. Sommes-nous dans le contexte d’un événement grave mais contenu dans certaines limites avec des perspectives de solutions pacifiques ? Ou sommes-nous, comme en juillet 1914, à la veille d’un cataclysme dont nous vivons les prémisses ? Personne aujourd’hui n’est capable de le dire. Ce qui est à peu près certain c’est qu’après la chute de Kaboul pendant l’été 2021, l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Poutine marque un fort déclin du monde occidental et de son leadership. Après l’effondrement du communisme et de l’Union soviétique au début des années 1990 l’occident, derrière les Etats-Unis, s’est érigé en gendarme du monde sans véritable opposition. D’où les interventions militaires en Serbie en 1999, en Irak en 1991 et 2003, et en Libye en 2011. Son impuissance face à la crise ukrainienne est annonciateur des désordres de l’avenir dominé par l’opposition entre le monde occidental et une alliance sino-soviétique avec des répercussions dans toute la planète.