Nous vivons une crise d’une extrême violence, peut-être la première panique planétaire issue de la globalisation qui combine une grande peur sanitaire, un effondrement financier et un désastre diplomatique majeur dans le monde occidental. Dans ce contexte dramatique, l’attitude la plus responsable consiste à s’abstenir de polémiques inutiles ou excessives. Nous avons des dirigeants qui tentent de faire face à leur responsabilité à tous les niveaux. Pendant que cette crise dure, critiquer leur action consacrée aux mesures concrètes, de manière systématique ou excessive, peut leur compliquer la tâche. En outre, certains métiers et services publics sont particulièrement exposés à l’épidémie : sapeurs-pompiers, médecins, personnels hospitaliers. Ceux-là sont à leur poste et font leur devoir. Ce serait manquer au principe de solidarité envers eux que de développer, pendant le déroulement de la crise, une attaque qui pourrait les atteindre, même indirectement, sur une supposée désorganisation.
- En prenant la parole, l’opposition ne se laissera-t-elle pas tenter par une récupération purement politique de la crise, en particulier à l’approche d’enjeux électoraux ?
On peut être dans une opposition franche et résolue à la politique actuelle – sur les déficits publics, les impôts, les retraites, la sécurité, l’éducation, et, en période de crise aussi dramatique, respecter l’action des autorités. Il me semble que toute arrière-pensée politique, dans une période aussi cruciale, serait inadmissible qu’elle vienne de pouvoir lui-même, exploitant une situation, ou des oppositions. Mettre à profit, aujourd’hui, en pleine calamité, la peur collective pour des raisons électoralistes, serait un signe express de démagogie, de la part des uns comme des autres. Cette attitude reviendrait à rajouter du chaos sur le chaos. Elle sera ressentie comme de la démagogie et se paiera plus tard dans les urnes. Il en sera tout autrement par la suite, une fois engagée la sortie de crise. Quand la période difficile sera derrière nous, il sera temps de faire un bilan de poser les bonnes questions et d’établir les responsabilités des uns et des autres et de sanctionner par les urnes des choix inadaptés ou toute forme de démagogie qu’elle vienne du pouvoir ou des oppositions.
- La prise de parole hier d’Emmanuel Macron avait pour but de rassurer les Français. Son discours vous a-t-il convaincu de la compétence de ce gouvernement à gérer la crise ? En fermant les écoles et en laissant les municipales se poursuivre, Emmanuel Macron n’a-t-il pas coupé l’herbe sous le pied de l’opposition ?
Il est difficile de le juger à chaud. Quoi qu’il dise, on lui reprochera de faire trop ou pas assez. Sa communication était longue et touffue pour une communication solennelle. Seul l’avenir permettra de porter un jugement objectif. On ne peut qu’approuver le fait d’avoir consulté M. Larcher et renoncé à sa demande à suspendre le processus électoral des municipales. En décidant la fermeture des établissements scolaires, il tente de se garder du reproche d’inaction ou d’indécision. Mais comment vont faire les familles, les pères et les mères qui travaillent ? Comment financer les mesures d’accompagnement annoncées ? Même si l’opposition doit s’abstenir de fustiger systématiquement l’action gouvernementale, il est aussi de son devoir de poser ce genre de question. Elle doit surtout mener une réflexion sur la dimension historique des événements pour en tirer les leçons. Dans quelle mesure la mondialisation et l’effacement des frontières ont-t-ils favorisé la rapidité de la propagation de cette épidémie ? Quelles précautions eût-il fallu prendre ? Quelles pratiques ont favorisé l’effondrement de la finance et de l’économie mondiale comme un château de carte ? Comment restaurer un système hospitalier prêt à faire face à toute situation d’urgence. Et au-delà, poser la question de la confiance des Français envers leur classe dirigeante, une confiance qui fait cruellement défaut dans des circonstances aussi tragiques.