La fracture fondamentale [interne à ce parti] porte sur la stratégie de reconquête du pouvoir. Un parti qui a fait 4,8% des voix aux présidentielles et perdu la moitié de ses députés s’interroge que la manière de revenir au premier plan. Il se déchire sur trois scénarios possibles, à l’horizon de quatre ans, reposant sur le constat que le président Macron ne peut pas se représenter en 2027 à l’issue d’un second mandat.
Un premier scénario préconise une alliance en bonne et due forme ou accord de gouvernement avec les macronistes (approche de M. Sarkozy et M. Copé). D’une force centrale, formée de Renaissance et des LR, opposée aux deux extrêmes, Nupes et RN, un leader venu de LR, selon ce schéma peut émerger et remporter la bataille des présidentielles puis des législatives. Le second scénario est celui de l’opposition constructive, ou celui de la respectabilité. LR reste en principe dans l’opposition mais démontre, en collaborant ponctuellement avec le pouvoir macroniste, son aptitude à revenir au gouvernement à l’inverse de la Nupes et du RN. C’est la ligne que l’état-major de LR (Ciotti, Retailleau, Marleix) tente d’imposer sur la réforme des retraites. Le troisième scénario est celui de l’opposition frontale, misant sur l’impopularité croissante du macronisme dans les années à venir : LR ne doit pas laisser le monopole de l’opposition à la Nupes et au RN mais tout au contraire, les prendre de vitesse pour s’imposer comme la seule opposition à la fois résolue et crédible (Pradié).
[…] Sur la réforme des retraites, LR (l’état-major) a commis une erreur titanesque. L’argument de la cohérence avec les 65 ans figurant dans les programmes de François Fillon et de Valérie Pécresse est absurde. En quoi un parti politique, après deux défaites consécutives, est-il tenu de s’obstiner à revendiquer un programme qui justement l’a conduit à la défaite ? Qu’est-ce qui lui interdit de réfléchir, d’ouvrir les yeux, et de se demander s’il est de bonne politique de se focaliser sur le totem de l’âge du départ, quand tout démontre que le nombre d’annuités est plus juste et plus souple ? Le drame de LR tient à la contradiction fondamentale de la position adoptée : se prétendre parti d’opposition populaire et faire le choix, sur un sujet aussi emblématique que les retraites, du soutien au pouvoir macroniste contre le peuple (dans son immense majorité). Et prétendre, dans la même logique, faire le bien des gens contre eux-mêmes.Les idées et la culture de droite modérée, (l’héritage de Gambetta, Clemenceau, Poincaré, de Gaulle et Pompidou), sont probablement majoritaires dans le pays. Cependant, cet héritage est en ce moment noyé dans la médiocrité par ceux qui s’en réclament. J’ignore si l’éclatement est inévitable, en revanche, la descente aux enfers de ce parti semble bel et bien s’accélérer.[…] L’effondrement du macronisme est inéluctable du fait de son immense impopularité, incarnation du mépris des gens et en tout état de cause, l’impossibilité pour le président Macron de se représenter. La Nupes fait naufrage dans la violence et le chaos. Le RN reste le RN, empêtré dans l’image clivante de Mme le Pen, insupportable pour une grande partie de l’opinion, une course éperdue à la dédiabolisation et inaudible sur le dossier des retraites. Alors, dans un contexte de chaos politique, de décomposition générale, la droite modérée pourrait avoir une carte à jouer. Pour l’instant, elle est en train de la gâcher.
MT