Cette lettre ne se présente pas vraiment comme un projet présidentiel. Elle expédie le bilan en quelques lignes dominées par l’autosatisfaction […] Plus curieusement le texte effleure à peine les grands sujets de préoccupation des Français : pouvoir d’achat, immigration, sécurité, chômage… Il donne ainsi le sentiment que le chef de l’Etat ne souhaite pas aborder des sujets qui le conduiraient à devoir s’expliquer sur un bilan. Il écarte par ailleurs tout engagement ferme, par exemple sur la fiscalité, la réforme des retraites ou la lutte contre les déficits. Cette lettre donne ainsi le sentiment que le président Macron entend se maintenir sur son piédestal de « chef de guerre » – qu’il n’a pas quitté depuis deux ans.
Sa lettre de candidature semble relativement lisse, Emmanuel Macron parle « d’audace » et « d’avenir ». Y-a-t-il une pour autant quelconque prise de risque dans sa lettre ?
[…] Sa réélection serait tellement évidente, certaine et acquise qu’il n’aurait pas trop de temps à perdre ni à se justifier sur le bilan du quinquennat ni à s’expliquer sur ses intentions. Accaparé par les grands dossiers de ce monde en particulier la guerre en Ukraine, il se situerait au-dessus de la mêlée. De fait, on est dans la logique de l’homme providentiel, du guide et du protecteur de la nation. Le projet n’a guère d’importance. Il viendra peut-être, mais plus tard, un jour… A ce stade, les Français ne sont pas appelés à se prononcer sur un projet, ni même une ligne politique. Ils sont invités à renouveler leur confiance ou leur allégeance à un homme. Telle est la posture.Dans quelle mesure cherche-t-il à renouer avec une logique « attrape tout » ? Y-a-t-il des points éventuellement clivants ou marqueur d’une vision politique ? […] L’idéologie qui s’en dégage relève ainsi d’un vague libéralisme de centre-droit (baisser les impôts) mâtiné de considérations environnementales ou sur la défense de la diversité des terroirs. Dans l’appel à « travailler davantage » perce la sempiternelle arrogance envers les « fainéants ». Mais ce qui est révélateur c’est l’absence du mot Etat dans sa lettre (sauf erreur). Un chef de l’Etat est en principe avant tout le garant de l’autorité de l’Etat, du fonctionnement des services publics et de la démocratie. Il a la charge de l’intérêt général. Or ces notions semblent échapper à la vision du président Macron. Il est dans une logique de personnalisation extrême de la chose publique. Autrement dit, la chose publique se confond avec sa personne, son charisme et son rayonnement personnel qui prévalent sur les institutions.
« L’enjeu est de bâtir la France de nos enfants, pas de ressasser la France de notre enfance. » Derrière cette tournure de phrase, fait il un clin d’œil et parle-t-il à l’attention d’un public spécifique ?
[…] C’est une manière feutrée de revenir au mythe fondateur du macronisme comme porte-parole de la modernité contre le populisme. Elle anticipe sur le deuxième tour contre Madame le Pen, mais en des termes apaisés qui conviennent à sa nouvelle image du sage au-dessus de la mêlée. Cette déclaration est par ailleurs assez emblématique de la vision du monde d’Emmanuel Macron qui s’est exprimée à plusieurs reprises pendant son quinquennat : il n’y a pas de culture française ou il faut déconstruire l’histoire de France. On y retrouve, de manière très prudente ou voilée – pour des considérations électorales bien évidentes – l’influence de la mode wokiste : du passé et de notre civilisation, de nos racines faisons table rase, pour engendrer un homme nouveau libéré de tout déterminisme.MT