Sur la fuite du « QR code » présidentiel

Scandale d’Etat d’hier: le QR code du président Macron a fuité. La vie politico-médiatique française se compose d’une accumulation de psychodrames quotidiens. Celui-ci est particulièrement ambigu. Un chef de l’Etat n’a guère besoin de QR code. Il ne se rend jamais dans les bars et les restaurants, déjeunant et dînant dans les salons de prestige de l’Elysée ou invité des puissants de ce monde. Jamais il n’est de sortie au cinéma ou autres spectacles si ce n’est à l’occasion d’opérations lourdes de communication monopolisant une floppée d’accompagnateurs et de gardes du corps – dans des circonstances où son passe sanitaire a peu de chance d’être exigé de lui… Il ne prend pas les transports en commun, se déplaçant avec l’avion du gouvernement. Le QR code présidentiel ne sert absolument à rien; il n’existe pas en tant qu’outil de la vie quotidienne. L’affaire est emblématique d’un système: la dramatisation romanesque autour de la personne du chef de l’Etat pour étouffer la réalité et anesthésier l’esprit critique. Le pouvoir politique vient de déposer un projet de loi destiné à prolonger l’utilisation du passe sanitaire. Il est bien loin le temps où ce même chef de l’Etat déclarait, le 29 avril dernier quand la situation épidémique était infiniment – infiniment – plus préoccupante qu’aujourd’hui: « Le pass sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français. Il ne saurait être obligatoire pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis. » Aujourd’hui, il est largement entré dans les mœurs et la société s’en accommode. Son absurdité au quotidien ne gène presque plus personne: obligatoire en extérieur sur les terrasses des cafés où le risque de contamination est inexistant avec quelques précautions minimales, mais non prévu dans le métro où s’entassent des millions de personnes comme dans une bétaillère sans que cela ne gène personne. Il s’impose de fait comme un formidable outil de communication, expression d’un volontarisme politique face à l’épidémie. Ses conséquences en termes de libertés publiques, d’égalité entre les Français et de droit des personnes – dans le contexte de la banalisation du QR code – n’intéressent pas l’opinion dans son ensemble, assoiffée de sécurité à n’importe quel prix, notamment celui de l’illusion. L’ampleur donnée à la fuite du QR code présidentiel – un non événement – marque un pas supplémentaire dans cette banalisation: voyez, il est comme tout le monde avec son petit QR code ayant fuité. Cela s’appelle une manipulation.

MT

Author: Redaction