1) Alexis Kohler a annoncé la composition du nouveau gouvernement. Dans quelle mesure les profils choisis et les ministères échus témoignent-ils d’un basculement à gauche du centre de gravité du gouvernement ? Statutairement comme idéologiquement ?
L’interprétation politique de ce nouveau gouvernement n’est pas si évidente à faire, comme si le chef de l’Etat se plaisait à brouiller les pistes par des messages contradictoires. Une inflexion à gauche se perçoit dans la désignation à Matignon de Mme Borne qui vient du parti socialiste. En 2017, la nomination d’Edouard Philippe, venu de LR, comme Premier ministre, fut le symbole du dépassement du clivage droite gauche. Ce symbole extrêmement fort à l’époque disparaît avec, désormais, un président et un Premier ministre issus du même bord : le parti socialiste. Cependant la consolidation du tandem des transfuges de droite de 2017, Bruno Lemaire à l’économie et Gérald Darmanin, numéros deux et trois du Gouvernement, semble destinée à compenser la disparition de ce symbole. Surtout ce gouvernement assure la promotion de politiques récompensés pour leur fidélité au chef de l’Etat à l’image de Stanislas Guérini à la fonction publique. Sa composition est dominée par la continuité – même M Dupont-Moretti est confirmé à la justice contre toute attente. Le coup de communication – le sensationnel – se concentre sur une seule nomination : celle de M. Pap N’Diaye au ministère de l’Education nationale. La désignation à ce poste stratégique de l’historien des minorités de sensibilité wokiste semble destinée à contrebalancer l’immobilisme global que traduit ce gouvernement.
2) Les ministres de droite, piliers du gouvernement Macron I sont-ils devenus des alibis dans ce nouveau gouvernement, avec moins de pouvoir qu’on ne pourrait le penser ?
Les personnalités venues de droite ou du centre sont plutôt bien servies, au-delà de M. Lemaire et M. Darmanin. La promotion de Sébastien Le Cornu à la défense est un autre signal en faveur de l’opinion conservatrice, tout comme la nomination d’Amélie de Montchanin à la Transition écologique. L’arrivée de Damien Abad tend d’ailleurs à renforcer ce courant. Le gouvernement compte par ailleurs une diplomate de sensibilité plutôt à droite sur un poste clé : Catherine Colonna au Quai d’Orsay. La composition de ce gouvernement exprime des messages destinés à l’opinion – notamment en vue des législatives –davantage qu’elle ne révèle un cap pour le pays. Bien sûr que la présence de transfuges de droite, issus des ralliements de 2017 ou de 2022, n’est pas destinée à appliquer une politique dite de droite comme on l’a vu lors du premier quinquennat. Elle est là pour séduire une partie de l’électorat de droite. De même, la nomination de M. Pap N’Diaye – qui a fustigé la passivité des pouvoirs publics envers les violences policière – semble être une réponse à la poussée électorale de M. Mélenchon à travers l’alliance de gauche dite la NUPES.
3) Face à ce constat, et puisque Macron semble vouloir chasser sur les terres de NUPES, la droite a-t-elle un coup à jouer pour les législatives pour remobiliser son électorat sur ses sujets clés ?
Oui, l’opposition de droite républicaine pourrait s’engouffrer dans la brèche. Pendant le premier quinquennat, le tandem gauche-droite à la tête de l’Etat a servi de paravent à la mise en œuvre d’une politique fortement imprégnée de socialisme et dans la pure continuité du hollandisme: nivellement par le bas en matière éducative, réformes sociétales (PMA sans père remboursée) explosion des dépenses publiques, des déficits et de la dette, augmentation spectaculaire des migrations, essor des éoliennes, etc. La fin de ce tandem gauche-droite, qui a permis de séduire une partie opinion de droite, annonce sans doute un glissement supplémentaire à gauche de la politique de la France. Par ailleurs, dans la composition du gouvernement, le mélange d’immobilisme par rapport au précédent quinquennat et de promotion interne à la macronie est un signal d’autosatisfaction. Le coup de communication réalisé sur le ministère de l’Education nationale, chargé de préparer l’avenir de 12 millions de jeunes enfants, est un autre sujet de questionnement. Bref, c’est toute une conception de la politique tournée vers la communication au détriment de l’intérêt général que l’opposition devrait condamner sans relâche et sans concession.
4) L’absence de vrai leader à l’heure actuelle à LR rend-elle, pour l’instant, cette manœuvre complexe voire vouée à l’échec ?
On en revient à la situation délicate de la droite républicaine. C’est elle qui devrait dénoncer vivement les ambiguïtés du pouvoir macronien en particulier l’invraisemblable message wokiste envoyé à l’opinion. Va-t-elle enfin se décider à exercer son rôle d’opposition en vue des législatives ? Sa forte implantation locale, ses victoires spectaculaires lors des élections municipales et régionales montrent que son assise reste profonde et solide dans le pays. Pourtant au niveau national, lors d’élections qui se jouent sur des émotions collectives et des jeux d’image, elle peine à séduire une large frange de l’opinion. Ce n’est pas seulement une affaire de leader. Le problème de fond, c’est son image sur un plan national. La droite a été gravement déstabilisée par les guerres des chefs, par la succession de scandales et des affaires depuis une dizaine d’années. Aujourd’hui, la cascade de trahisons a un effet extrêmement délétère qui explique en partie l’effondrement des présidentielles. C’est au prix d’une refondation complète que la droite peut restaurer la confiance autour d’un projet collectif basé sur le respect du peuple. De fait, l’opinion est extrêmement mouvante (qui aurait parié sur un retour aussi spectaculaire de la gauche NUPES ?) La France se dirige vers une crise financière, économique, sociale et politique d’une extrême gravité et d’une violence inouïe, sans doute à brève échéance. La droite sera-t-elle au rendez-vous de l’histoire pour prendre la relève ? Tel est l’un des grands défis de l’avenir.