Steve jobs, l’épargne exonérée de droit de succession (assurance-vie) et l’ histoire de l’évaluation de l’entreprise dans la déclaration de succession


Les épargnants ont souvent eu la possibilité de souscrire à un « grand emprunt » réalisé par la France: que ce soit pendant la première guerre mondiale pour financer l’effort de guerre (photo ici) ou l’économie. Parmi les emprunts d’Etat, un emprunt a connu une grande célébrité: l’emprunt Pinay. Pour inciter les riches à placer leurs économies, l’emprunt était doté d’un régime fiscal particulier: il était exonéré de droit de succession…Il paraît qu’en France et jusqu’à une période qui n’est pas si ancienne, pour déterminer s’il y avait des milliardaires susceptibles de passer l’arme à gauche, il suffisait de suivre les cours dudit emprunt…


Les temps changent. 


Désormais, l’épargne est drainée par les sociétés financières, en particulier par les compagnies d’assurance (vie) qui véhiculent ses incitations fiscales: elles existent encore mais diluées dans les contrats d’assurance (pour le prélèvement sur les sommes versées aux héritiers par la compagnie d’assurance voir précis de fiscalité n°4760…. précision faite que le taux est passé à 25%)….peut-être que si Steve Jobs avait été entrepreneur Français il y a quelques décennies, l’emprunt d’Etat se serait apprécié avant son décès. Le parallèle entre Steve Jobs et Antoine Pinay s’arrête là. Histoire de montrer que le chemin parcouru entre l’emprunt Pinay et l’éventualité des eurobons révèle l’avancée, mais aussi les difficultés que posent la mise au point de notre union monétaire…

Revenons au décès d’un chef d’entreprise. L’entreprise est désorganisée. Souvent l’entrepreneur a réussi à structurer son entreprise afin qu’elle lui survive. Lorsqu’il exerçait dans le cadre d’une Société, il faut trouver un nouveau dirigeant social. Les multinationales, lorsqu’elles ont gardé une dimension familiale, réalisent une communication financière particulière pour tenir compte de ce que le capital est transmis aux héritiers : il faut honorer la mémoire du fondateur mais surtout démontrer l’aptitude des successeurs à gérer l’entreprise.

Au plan fiscal, et sous réserve que le droit français soit applicable, il y a rapidement une difficulté: comment payer les droits de succession?  Les héritiers du fondateur doivent payer des droits de succession assis sur la valeur de l’entreprise dans les six mois du décès. Même si l’Etat admet un rabais important pour les sociétés familiales (75% dans le cadre du « pacte Dutreil » sous réserve de la conservation des actions par les héritiers),  la question est toujours de déterminer la valeur de l’entreprise au jour du décès. On s’est demandé s’il fallait déterminer la valeur de l’entreprise en tenant compte du décès du fondateur, ou sans en tenir compte.


En effet, une entreprise sans son dirigeant fondateur n’a pas la même valeur qu’avec. On a vu des héritiers avoir des droits de succession à payer sur la valeur d’une entreprise qui fait faillite quelques temps plus tard… Dans un premier temps, la jurisprudence a fait preuve d’une grande rigueur dans l’application de la loi. Pour évaluer l’entreprise, la loi nous dit qu’il faut se placer au jour du fait générateur de l’impôt: c’est-à-dire au jour du décès. Donc, pour la jurisprudence, il est impossible de tenir compte de la désorganisation de l’entreprise pour évaluer celle-ci dans le cadre des droits de succession puisque la désorganisation de l’entreprise est postérieure au décès. 


Sous l’influence appuyée du monde patronal, le texte de loi a été réformé afin de obstacle à la logique de la jurisprudence. La loi dispose maintenant que, pour apprécier la valeur de l’entreprise il faut tenir compte des évènements immédiatement postérieurs au décès (voir précis de fiscalité de l’administration fiscale n°b4508-4 ici). Ceci permet d’évaluer la société en tenant compte du fait que le chef d’entreprise est décédé. Bien des avocats, des juristes et des experts-comptable tiennent compte de cette règle dans le cadre de leurs palabres avec l’administration fiscale….

Les héritiers des sociétés familiales les plus importantes, dont les titres sont cotés sur un marché réglementé n’ont pas cette même chance. Le dispositif  qui permet d’apprécier la valeur de l’entreprise en tenant compte du décès du patron est limité aux sociétés non-cotées. La loi impose au contraire une méthode d’évaluation des actions des sociétés cotées par référence au cours de bourse du jour du décès. Ceci explique pourquoi, les trop rares fortunes françaises et les trop rares inventeurs français, ont fréquemment recours à une société holding pour détenir les titres de leurs sociétés cotées.



Stanislas Lhéritier



Author: Redaction