Soudan, le massacre oublié

Le Figaro: « Les premiers coups de feu ont déchiré Khartoum au petit matin du 15 avril 2023. L’affrontement entre l’armée et une milice était presque attendu, tant les nuages s’étaient accumulés depuis des mois, annonçant la tempête. Alliés de circonstance pour d’abord détrôner, en 2019, le vieux despote Omar el-Béchir puis pour accaparer le pouvoir aux dépens des civils, le général Abdel Fattah al-Burhan, chef de l’armée et président, et son ancien vice-président le général Mohammed Hamdan Dagalo, dit Hemedti, à la tête des puissantes Rapid Support Forces (RSF), n’ont jamais caché leurs ambitions […] Pour autant, nul ne s’attendait à ce que l’affrontement dure si longtemps ni s’étende à presque tout le pays, jetant 8,6 millions de civils, soit 16 % des Soudanais, sur la route selon les données de l’ONU. »

Le pire n’est jamais certain dit-on, mais se vérifie souvent… Le Soudan est un pays que je connais bien quand j’y ai vécu ma première expérience professionnelle à l’âge de 24 ans, comme secrétaire d’ambassade… J’en garde le souvenir d’un peuple extrêmement chaleureux, hospitalier, amical et généreux même dans la misère endémique… Le Soudan est un immense pays, le plus grand d’Afrique par la taille à cette époque. A la confluence des deux Nils, le Nil bleu et le Nil blanc, il possède de formidables richesses naturelles en terres agricoles et en matières premières, qui pourraient en faire le grenier de l’Afrique. Déjà à l’époque, le pays était ravagé par la guerre civile entre le Sud et le Nord. En 1985, la chute de la dictature islamiste du despote Nimeiri (un gros dictateur ventripotent et sanguinaire), renversé par une révolte populaire soutenue par l’Armée, nous semblait alors ouvrir la voie d’un retour à la paix civile et il était même question de démocratie et d’un espoir de prospérité. Or, rien ne s’est déroulé comme espéré… Aujourd’hui, plusieurs décennies ont passé et le Soudan a sombré dans un chaos total qui embrase sa capitale Khartoum et tout le pays, dévasté par une guerre sanglante entre les forces armées officielles et une milice. Cette guerre atroce se traduit par le massacre de centaines de milliers de femmes et d’enfants, l’éradication de villages entiers, les incendies, les pillages, une épouvantable famine, des millions de personnes déplacées. Ce qui est à la fois étrange et scandaleux, c’est l’indifférence du monde pour l’horreur qui y sévit. L’émotion planétaire se polarise sur certains conflits, l’Ukraine ou Israël, mais celui-là, comme d’autres, sont largement occultés. Affirmer, comme certains « penseurs » qu’il est normal de privilégier la proximité géographique dans l’appréciation des horreurs est un comportement relativiste qui revient à faire de la distance le premier critère de la solidarité humaine. Hypocrite aussi, comme si la sensibilité à la détresse des populations était liée à des intérêts et à leur degré de médiatisation. Et j’ose à peine dire, sur fond de racisme inconscient, quand les malheurs épouvantables de l’Afrique se perdent dans l’indifférence…

MT

Author: Redaction

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