Si la gauche veut gagner…

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La primaire qui s’ouvre doit nous permettre de désigner un candidat et un projet pour la France. Une seule exigence doit nous guider : comment rassembler, le plus largement possible, autour de nos valeurs, pour donner sa chance à la gauche en mai prochain.

Femme de gauche, socialiste, je suis intimement convaincue que la gauche est porteuse des valeurs de progrès, d’émancipation et de tolérance dont notre pays a plus que jamais besoin. Des valeurs d’avenir qui constituent un cadre incontournable, alors même qu’il est impératif de placer la France aux avant-postes d’une économie mondiale en pleine recomposition, avec les défis de la double révolution numérique et écologique.

Au Gouvernement, j’ai montré qu’il était possible de faire progresser les droits sociaux des Français tout en redressant nos comptes, en renforçant la compétitivité de nos entreprises et en relevant le défi de la santé-environnement. Nous avons montré que la gauche pouvait être fière de ses valeurs et donner un sens concret de progrès à l’action qu’elle mène. Le bilan de cette action montre que l’innovation sociale aura été un marqueur important de ce quinquennat. Dans les débats qui ont traversé le gouvernement, je suis toujours restée fidèle à mes convictions : la gauche est forte lorsqu’elle est d’abord modernisatrice et sociale, pas quand elle se perd dans les débats identitaires.

C’est cette vision d’avenir qui est aujourd’hui menacée par la droite et l’extrême droite : la droite annonce la fin de la sécurité sociale et l’extrême-droite un repli nationaliste dangereux pour le pays.

La gauche doit être à la hauteur du moment, de cette responsabilité, en trouvant les voies du rassemblement. Ce rassemblement ne se proclame pas, il se construit autour de nos valeurs. Il n’est attaché à aucun candidat par principe, parce qu’il n’y a plus de candidature naturelle. Rassembler, c’est aussi reconnaître les divergences voire les erreurs d’hier pour avancer aujourd’hui. C’est partir de ce que l’on a en commun et ne pas en rester à ce qui nous sépare. C’est aussi prendre conscience collectivement que la division amènera inéluctablement la défaite.

Pour gagner, il faudra assumer avec force la modernité de la protection sociale et sa capacité à se transformer pour rester un formidable moyen d’émancipation individuelle et de solidarité collective. Il faudra aimer la France telle qu’elle est, et la porter dans la diversité de ses cultures, de ses croyances et de ses origines. Il faudra être lucide sur les nouveaux défis posés à notre modèle d’intégration tout en assumant clairement la laïcité comme un cadre d’expression individuelle et non comme une négation de la religion.

Pour gagner, il faudra défendre un Etat partenaire d’une société libre et créative, proposer un exercice démocratique nouveau, ne confondant pas fermeté des convictions et autoritarisme de la décision. Pour gagner, il ne faut pas avoir pour ambition de faire de la primaire un mode de désignation anticipé du nouveau chef des socialistes. Ce temps-là viendra plus tard. Et à ce moment-là, chacun sera comptable de ses engagements, de sa cohérence et de son bilan.

Depuis une semaine, j’ai reçu de nombreux messages m’invitant à défendre ce projet en me portant candidate à la primaire. Certains d’entre eux venaient de personnalités de la gauche que je tiens en très haute estime. Je me suis donc longuement interrogée. Après mûre réflexion, et au nom de la responsabilité collective, je considère que la campagne qui s’ouvre peut permettre à ce projet de s’incarner, sans qu’une candidature supplémentaire soit nécessaire. Parce que je ne me résigne pas à un duel entre la droite et l’extrême droite, parce que j’ai la conviction que la victoire est possible si ces valeurs sont clairement assumées, je formule l’espoir que chacun soit au rendez-vous de cette responsabilité.

Marisol TOURAINE

Author: Redaction