Comment prendre en compte la qualité dans la mesure de la performance de la Justice ? C’est à cette question complexe et peu étudiée que les différents intervenants ont décidé de répondre lors du séminaire organisé, le 8 avril 2016, par le GIP Mission de recherche Droit et Justice. Cet événement a réuni l’Inspection générale des services judiciaires, la Mission permanente d’inspection des juridictions administratives (MIJA), la Direction des services judiciaires, la Direction des affaires civiles et du sceau, la Direction des affaires criminelles et des grâces et la Sous-direction de la statistique et des études. Une après-midi de travail qui a permis, selon la directrice du GIP Sandrine Zientara, de croiser les regards entre universitaires et magistrats, de construire des outils de mesure communs et de tracer des perspectives d’évolution des indicateurs.
Depuis plusieurs années, l’Etat a mis en place des indicateurs afin d’évaluer et d’améliorer la performance de chacun de ses secteurs. La Justice n’a pas échappé au phénomène. Le GIP s’est saisi du sujet de la prise en compte de la qualité en lançant un appel à projets auquel ont répondu les équipes de recherche des professeurs Emmanuel Jeuland, de l’Ecole de droit de la Sorbonne, et Lucie Cluzel-Métayer, de l’Université de Lorraine. Ces deux équipes ont présenté leurs conclusions, respectivement sur l’ordre judiciaire et sur l’ordre administratif, en ouverture de ce séminaire de travail.
Aborder la qualité ne veut pas dire que les indicateurs quantitatifs n’ont pas été évoqués. « Il faut dépasser l’opposition quantité/qualité, la quantité, comme par exemple le délai moyen de jugement, fait partie de la qualité » a ainsi estimé Claire Jeangirard-Dufal, présidente du tribunal administratif de Paris. « La productivité et la qualité ont un lien mais la qualité ne peut se limiter à la productivité » a renchéri Caroline Foulquier-Expert, maître de conférences en droit public à l’Université de Limoges.
La nécessité de croiser les indicateurs
Un seul indicateur est insuffisant pour mesurer la qualité de la Justice. « Il faut un faisceau d’indices » selon Odile Piérart, Présidente de la Cour administrative d’appel de Nancy. Il faut donc plusieurs indicateurs. Ces indicateurs doivent être pérennes mais doivent aussi pouvoir évoluer, tout est question d’équilibre. Ce qu’il ne faut pas selon Jean Danet, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Nantes et membre du Conseil supérieur de la magistrature, c’est que la mise en place d’indicateurs soit une intrusion déguisée de l’exécutif dans la Justice.
Pour la magistrate Lætitia Brunin, en poste au Secrétariat général du ministère de la Justice, plus précisément à la Sous-direction de la statistique et des études, les indicateurs français doivent également s’inspirer des indicateurs internationaux comme ceux de la CEPEJ, c’est-à-dire de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice. « Il y a de plus en plus d’indicateurs internationaux de la qualité, si bien que l’on tend vers la création d’une nomenclature internationale des critères de qualité » précise-t-elle.
Vers une définition partagée de la qualité
Autre enseignement de ce séminaire : la définition de la qualité de la Justice varie en fonction des catégories d’acteurs considérées, selon des points de vue qui s’avèrent complémentaires. « Selon la fonction que la personne occupe au sein de la Justice judiciaire, la relation à la qualité est différente » explique Emmanuel Jeuland, avant de préciser : « Généralement, pour un juge judiciaire, une Justice de qualité c’est une Justice lisible, compréhensible et une décision exécutable. Pour un avocat, c’est une Justice avec des délais prévisibles. Et pour un justiciable, c’est une Justice rendue rapidement ».
En matière de Justice administrative, la notion de qualité varie et s’organise également en fonction des catégories d’acteurs. « Une Justice de qualité, pour un magistrat administratif, c’est une Justice simple et accessible et, pour un justiciable, c’est une Justice qui va vite et qui améliore ses délais de jugement » souligne, pour sa part, Lucie-Cluzel Métayer.
Lors de ce séminaire, de nombreuses propositions ont été mises en lumière afin d’améliorer la prise en compte de la qualité dans la mesure de la performance de la Justice. L’une d’elle serait de proposer que des enquêtes de satisfaction sur la Justice soient réalisées auprès des personnels de greffe. Une autre, que la qualité du travail et l’apport personnel soit pris en compte dans l’évaluation de chaque magistrat. La nécessaire amélioration de la circulation des décisions de Justice entre les différents degrés de juridiction a été également évoquée. Quelques pistes de réflexion intéressantes à analyser et à retravailler. Aussi, le GIP étudiera avec intérêt tous les projets de recherche qui pourraient lui être soumis en lien avec le thème de ce séminaire qui a ouvert le débat.
© Ministère de la Justice – SG – DICOM – Damien Arnaud