Le 15 décembre 2022, le prix Goncourt des détenus a été remis à Sarah Jollien–Fardel pour son roman, « Sa préférée ». Avec la première édition de ce prix, les ministères de la Justice et de la Culture réaffirment leur engagement commun en faveur de la lecture, vecteur essentiel de l’inclusion sociale et de la réinsertion.
La vie culturelle est un droit pour chaque citoyen au même titre que l’accès à l’éducation ou à la santé. C’est pourquoi depuis 1986, les ministères de la Justice et de la Culture collaborent pour que la population pénale accède à différentes formes de pratiques culturelles. En effet, participer à des ateliers d’écriture ou de théâtre, lire, échanger sur ses lectures permet de limiter les effets désocialisants de l’incarcération.
Le protocole d’accord signé entre les deux ministères en mars 2022 s’inscrit dans cette politique de réinsertion et de lutte contre la récidive.
>> Lire aussi : Protocole Culture/Justice et Goncourt des détenus
Être juré : intégrer une action collective basée sur l’écoute
Depuis l’annonce des 15 auteurs en lice, début septembre 2022, 500 personnes détenues ont lu et étudié l’ensemble des romans en compétition ou quelques-uns d’entre eux.
Du 17 octobre au 11 novembre, les lecteurs ont rencontré les auteurs dans les 31 établissements pénitentiaires ou en visio-conférence. Ils ont débattu sur des thèmes souvent sensibles : le mensonge et la vérité, la violence, l’incarcération, l’inceste…
Porté par le Centre national du livre (CNL) et la direction de l’administration pénitentiaire, le prix Goncourt des détenus permet en effet de développer l’intérêt pour la lecture et le sens critique mais aussi de favoriser une action collective basée sur l’écoute. À l’issue de ces échanges, chaque établissement a sélectionné trois romans.
Du 21 novembre au 2 décembre, suite du processus. Le défi a consisté à s’entendre sur une nouvelle sélection, cette fois interrégionale, de trois romans.
>> Lire aussi : Goncourt des détenus : silence, on délibère !
« Une œuvre engagée qui enlève les tabous sur les violences intrafamiliales »
Un défi de taille s’annonçait le 15 décembre, jour de la délibération nationale à huis clos, au Centre national du livre. En effet, il s’agissait pour les représentants des 10 régions participantes de s’accorder sur un seul et unique lauréat. Après des échanges nourris, le choix s’est finalement porté sur le roman de Sarah Jollien-Fardel, « Sa préférée » (éditions Sabine Wespieser).
Deuxième temps fort de la journée : à plusieurs mains, les membres du jury ont rédigé le discours prévu pour la cérémonie de remise du prix. Un peu plus tard, ils ont échangé avec Didier Decoin et Philippe Claudel, respectivement président et secrétaire général de l’Académie Goncourt.
Lors de la remise du prix, en présence notamment de Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture, d’Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, ministre de la Justice, de Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre, des membres de l’Académie Goncourt et des auteurs en lice, l’un des membres du jury a pris la parole, au nom de tous les autres : « Nous sommes fiers de porter haut la parole de nos co-détenus. […] Chaque délégation a retenu l’œuvre dans ses choix. C’est une œuvre engagée qui enlève les tabous sur les violences intrafamiliales. […] Ce qui a le plus retenu notre attention, c’est la véracité du propos et la justesse des situations. Nous sommes très heureux, Sarah Jollien-Fardel, de vous attribuer le premier prix Goncourt des détenus. »
« Je reçois ce prix comme un immense cadeau »
Non sans émotion, Sarah Jollien-Fardel a ensuite répondu à cet hommage, en insistant sur le fait que ce Goncourt n’était pas « désincarné ». « On s’est rencontrés pour de vrai. […] Ce qui s’est passé entre vous et moi restera entre vous et moi, sachez que je ne l’oublierai jamais. Je reçois ce prix comme un immense cadeau. Tout m’a secouée. La littérature est une fenêtre ouverte sur le monde, une main tendue à l’autre. […] « Sa préférée » vous a rencontrés. Merci du fond du cœur. »
« J’ai détricoté mon passé pour le rendre supportable. » Extrait de « Sa préférée », de Sarah Jollien-Fardel
Enfin, Éric Dupond-Moretti s’est félicité de ce pari porté par les deux ministères pour que la lecture et l’accès à la littérature soient une voie vers la réinsertion des personnes détenues. « Ce projet a dépassé toutes nos espérances, a déclaré le garde des Sceaux. Félicitations aux 500 personnes détenues qui ont participé à cet extraordinaire défi dans 31 établissements pénitentiaires. Je tiens à vous féliciter pour ce marathon littéraire. »
Le ministre de la Justice a ensuite remercié « l’ensemble des personnels pénitentiaires et de l’éducation nationale qui se sont mobilisés pour faire vivre ce prix. […] C’est cet engagement collectif qui nous permettra de pérenniser ce prix. Je souhaite en effet qu’il s’installe dans le temps car c’est l’incarnation de ce que doit être l’action culturelle en établissement pénitentiaire. »
En janvier, « Sa préférée » devrait être recouvert du bandeau rouge « Prix Goncourt des détenus 2022. »