Ci-dessous la réponse de M. Julien Aubert, député Les Républicains, au billet de M. Maxime Vaudano, journaliste au Monde.
EDITO : Petit démonstration de gymnastique fiscale à l’attention de M. Maxime Vaudano, « journaliste décodeur » du Monde.
Dans un billet mis en ligne ce jour*, un journaliste des Décodeurs m’accuse d’avoir produit « une défense bancale pour François Fillon ». Il est notamment allé vérifier la question de la réversion de l’enveloppe collaborateur vers l’IRFM (l’indemnité de fonction du député), en cas de non-consommation de ladite enveloppe collaborateur, et a découvert que c’était plafonné à 5 858 euros par an.
Précisons pour être totalement de bonne foi, qu’effectivement, au moment où j’ai écrit mon édito, j’ignorais que le plafonnement de ce reversement annuel était de 5 958 euros (je le pensais plus important). Les approximations existent, comme celle du journaliste qui parle dans son billet d’un plafonnement à 53 154 euros pour le conjoint collaborateur : ce plafonnement est intervenu après la période précitée. Mais passons…
Comme je le disais, cette pratique a cessé en 2012. Le journaliste a fait un travail à la serpe pour expliquer qu’il valait mieux salarier à hauteur de 53 154 euros son épouse que se reverser à soi-même un reliquat à peine dix fois inférieur (5 958 euros). Et de conclure : « A supposer que François Fillon raisonnât en pure rationalité économique, il avait donc tout intérêt à salarier son épouse pour maximiser les revenus de leur ménage. »
M. Vaudano n’a en réalité pas compris le raisonnement. En effet, la question au centre du débat n’est pas de verser ou non un salaire, mais de questionner la stratégie visant à augmenter au maximum le salaire de son épouse pour s’enrichir. Il ne s’agit donc pas de comparer le salaire en tant que tel avec le reliquat économisable, mais le surplus de salaire.
Ce que je prétends, c’est qu’il n’avait pas besoin d’artifice.
En effet, les chiffres qui ont circulé sont en BRUT. Il faut déduire les charges sociales pour passer en NET. Une fois en NET, le foyer fiscal est bien entendu imposé sur ces revenus.
Comme l’a précisé aujourd’hui François Fillon, il a versé en moyenne 3 677 euros NET par mois à sa femme. Rappelons que les chiffres « des décodeurs »** attestent que le salaire moyen, d’un assistant parlementaire toutes rémunérations confondues est de 3358 euros BRUT/mois, soit 2 600 euros net. Mais que les écarts vont de 1 à 7 entre les plus bas salaires et les plus hauts salaires.
Considérant que le foyer fiscal en question doit émarger aux plus hautes tranches de l’impôt sur le revenu, on peut projeter un taux moyen d’impôt sur le revenu de 20%***. En d’autres termes, environ 20% du surcroit de salaire est absorbé, soit pour une année à 3 677 euros/mois (44 124 euros annuels), un total de 8 824 euros (c’est forcément une approximation car on ne connaît pas les revenus de François Fillon). Au final, il reste 35 300 euros lorsqu’on verse un salaire de 3 677/mois.
A l’inverse, en diminuant le salaire de 496 euros net/mois de manière à constituer un reliquat en fin d’année, on aurait eu un salaire de 3 180 euros net par mois (38 166 euros annuels), légèrement supérieur au salaire moyen constaté pour les AP. Après impôt sur le revenu, il en serait revenu 30 532 euros au couple. Les 5 958 euros économisés sur l’année auraient en revanche pu être reversés au compte IRFM du député, en sachant que ce compte ne bénéficie d’aucun contrôle et n’est pas soumis à l’impôt sur le revenu. Au final, le couple aurait ainsi gagné 30 532 + 5 958 = 36 490 euros net.
36 490 est bien supérieur à 35 300. Sur 15 ans, cela fait près de 18 000 euros de différence. Rappelons qu’avec un impôt progressif, l’impact d’une augmentation du revenu imposable peut être très défavorable, en faisant passer une tranche d’imposition marginale, et qu’il s’agit donc d’un chiffrage bas.
Moralité : si l’idée était d’augmenter ses revenus, il était plus intelligent – et surtout plus discret – de baisser le salaire et d’économiser sur son enveloppe collaborateur, que de la mettre au maximum…CQFD
Alors, bancal ?
Julien AUBERT