Réponse à Mme Emmanuelle Mignon (pour Figaro Vox)

Dans une longue interview au Point, Mme Emmanuelle Mignon déclare : « M. Macron est le meilleur président de droite qu’on ait eu depuis un certain temps ». Cette phrase, promue en titre de l’article, a été largement reprise dans la presse et sur Internet. Le contenu de son entretien avec l’hebdomadaire est, dans l’ensemble, beaucoup plus nuancé que ne le laisse apparaître cette déclaration tirée de son contexte. Reste qu’elle y figure bien et soulève nombre de questions.

Qui était Emmanuelle Mignon ? Directrice de cabinet du président Sarkozy en 2007 et 2008, rédactrice de son projet de campagne victorieux de 2007, conseillère et tête pensante du leader de l’UMP depuis 2002, elle a, dans les milieux politiques français, une réputation non usurpée de probité, d’honnêteté intellectuelle, de loyauté, et de désintéressement personnel peu communs dans ce milieu. Que pouvait donc elle signifier par ces propos ?

Le dernier président dit de droite, avant le président Macron, fut Nicolas Sarkozy. Mme Mignon semble ainsi, par cette phrase, reconnaître que la présidence Macron la séduit davantage que la présidence Sarkozy, dont elle fut, en son temps, l’inspiratrice, sinon une actrice influente des deux premières années. D’autres passages de son interview le confirment: « Le quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui avait  beaucoup promis en 2007, sans doute trop […] mais qui n’a pas été à la hauteur des promesses faites, tant sur le plan économique que régalien ».

Un autre acteur de cette période, certes en position infiniment plus modeste que celle de Mme Mignon, ne peut qu’être surpris du silence, dans ce tableau, sur un élément clé de compréhension de cette période : la crise des subprime de 2008, qui a plongé les finances et les économies du monde occidental dans le marasme provoquant l’une des plus graves récessions et poussée du chômage depuis le Jeudi noir de 1929. Ce violent séisme qui ébranla de fond en comble la présidence Sarkozy, handicapée par une explosion du chômage, méritait au moins d’être évoqué, non pour la défense de cette dernière, mais pour la simple vérité historique.

D’ailleurs, peut-être qu’en effet, les espérances de 2007 n’ont pas été entièrement satisfaites, ni sur le plan économique ni sur le plan régalien (sécurité, maîtrise des flux migratoires). L’actuel quinquennat est-il pour autant mieux réussi, comme semble le penser Mme Mignon ? Encore faudrait-il, pour l’affirmer, se fonder sur les faits. En quoi est-il plus performant, sur deux ans, au regard des résultats obtenus: chômage (au regard des pays comparables Allemagne, Royaume-Uni, Etats-Unis) ? Dette publique ? Déficit de l’Etat ? Poids de la fiscalité ? Niveau de la pauvreté et des inégalités ? Violence et insécurité quotidiennes? Fragmentation communautariste ? maîtrise des flux migratoires ? Désindustrialisation ? Influence de la France dans le monde et qualité de ses relations avec ses grands partenaires, Etats-Unis, Russie, Italie, Royaume-Uni, Pologne, voire Allemagne ? Unité nationale, climat général, après la déchirure historique que fut la crise des Gilets Jaunes ? La réponse est dans les questions…

Emmanuelle Mignon affirme que le président Macron « exerce la fonction avec toute la dignité requise ». Sans doute est-ce là une appréciation personnelle tout à fait respectable.  Encore serait-il intéressant de connaître quels sont les critères de la dignité requise, selon elle, notamment en comparaison avec les deux présidences précédentes, celle de M. Hollande et celle de M. Sarkozy. Sans doute admettra-t-elle volontiers que nombre de Français qui gardent en mémoire divers épisodes, paroles, scandales et gestes tonitruants ayant émaillé les deux premières années de l’actuel quinquennat, ne souscrivent pas forcément à ce point de vue.

Certes, Mme Mignon a entièrement raison dans sa mise en garde contre un rapprochement opportuniste entre LR et le RN (ex-FN). « Ce serait une impasse complète […] Une partie des Républicains quitterait LR […] Et le RN mangerait le reste. » A cette observation de pur bon sens, il faut ajouter une autre considération : nul n’a intérêt à voir disparaître une opposition, autre que le parti lepéniste, susceptible d’offrir dans les trois années à venir, une alternative crédible et raisonnable à la majorité En Marche en cas de crise majeure ou de rejet viscéral de cette dernière par l’opinion en 2022 – scénario qui n’a rien d’invraisemblable au regard de la tournure prise par les deux premières années.

Emmanuelle Mignon constate, avec beaucoup de justesse « une centralisation du pouvoir extrêmement forte à l’Elysée » mais qui ne la « dérange pas outre mesure » puisqu’elle s’inscrirait, selon elle, dans la logique de la Ve République. Sur ce point, nous ne pouvons qu’être en désaccord avec elle. La personnalisation outrancière du pouvoir a pour effet d’aggraver les tensions entre Français, l’abêtissement de la vie politique nationale réduite une affaire d’amour ou de haine au détriment du débat d’idées, l’affaiblissement ou la démotivation des courroies de transmission entre le pouvoir politique et le monde des réalités : Premier ministre, Gouvernement, Parlement, collectivités territoriales. La Ve République, à l’origine, était infiniment plus équilibrée et sa dérive dans le culte de la personnalité, en substituant le culte d’un homme au bien public, a fortement contribué, de décennie et décennie, au décrochage de la France.

Le titre même de l’interview de Mme Mignon au Point, « le meilleur président de droite » est révélateur d’une certaine mode ou évolution des esprits. Il semble enterrer l’idée d’un « président de tous les Français », impartial, au-dessus de la mêlée, ni de droite ni de gauche, guidé par le seul intérêt du pays et non ses intérêts partisans et sa future réélection. Peut-être est-cela une des clés de la débâcle politique en cours et, pour être optimiste, d’un éventuel redressement de la vie publique nationale.

Maxime TANDONNET

 

 

Author: Redaction