Me voici de retour d’un long périple Outre-Mer, aux Antilles et en Guyane, pour une mission professionnelle (sans aucun rapport avec le sujet du jour). La France disposait jadis, jusqu’aux années 1960, d’un empire « où le soleil ne se couche jamais », forgé entre le XVIe et le XXe siècle. Les républicains au pouvoir, de 1870 à 1960, en particulier Jules Ferry, y voyaient le symbole de la fierté nationale, estimant que la République française avait un « devoir de civilisation » sur les peuples non-européens. Ce principe, qui paraît indécent aujourd’hui, était au coeur du politiquement correct de l’époque, de la pensée convenable, de « gauche », et s’en dissocier revenait se marginaliser et diaboliser. Il en reste aujourd’hui un chapelet de territoires d’Outre-mer, principalement aux Antilles, dans le Pacifique et l’Océan Indien.
Cet Outre-Mer est gravement malade. Il vit largement sous perfusion de la métropole. Il n’a quasiment plus d’industrie, son agriculture est affaiblie, son commerce est essentiellement local. Le RSA, les allocations familiales et de chômage y constituent les ressources vitales. Les seuls emplois offerts sont le secteur public (Etat, collectivités territoriales, mairies). Une partie de ces territoires est frappée par un inquiétant déclin démographique (Guadeloupe, Martinique), une autre subit une forte immigration illégale qui aggrave les problèmes de pauvreté et d’exclusion (Mayotte, Guyane). Ces territoires ne se voient pas d’avenir et n’offrent plus de perspective à leur jeunesse.
Le courage, la compétence et le patriotisme de l’immense majorité leurs habitants ne sont évidemment pas en cause. Ils se sentent Français et aiment la France d’une manière que bien des métropolitains pourraient leur envier. Mais ils souffrent, bien plus que n’importe quelle région française, d’un mal typiquement français: l’assistanat. Alors que certains pays alentours connaissent un développement économique rapide liée à l’initiative privée (le Surinam, voisin de la Guyane, Maurice, face à la Réunion), l’Outre-Mer Français est étouffé par l’assistanat. Ainsi, à Mayotte, le RSA représente un revenu mensuel 10 fois supérieur au revenu moyen d’un travail aux Comores. Comment entreprendre dans ces conditions? Outre-Mer, le coût de la vie est exorbitant, bien plus élevé qu’à Paris et le chômage, notamment des jeunes pulvérise tous les records. Des économies sous perfusion n’encouragent pas leurs habitants à prendre des initiatives dans l’agriculture, le commerce, l’industrie, et à développer l’économie.
La perfusion serait-ce un outil destiné à préserver la dépendance de ces territoires? Tout gouvernement responsable devrait se pencher sans délai sur ce problème. Mais comme toujours, on préfère ensevelir la poussière sous le tapis. Or, le statu quo est inconcevable: il conduit à la ruine et à la misère. La solution inverse, celle de l’indépendance de ces territoires, n’est pas non plus envisageable: non seulement ils représentent un atout stratégique essentiel, mais surtout, beaucoup trop petits pour se suffire à eux-mêmes, ils tomberaient tôt ou tard sous la dépendance d’autres puissances. Or, il existe une autre formule alternative, une troisième voie: celle de l‘autonomie ou de la fédération. La France assure leur sécurité et leur représentation en politique étrangère. Mais pour le reste, l’organisation interne, l’économique et le social, elle leur accorde toute l’attitude pour vivre leur vie, avec une subvention globale pour chaque territoire, dégressive sur dix ans, afin de leur donner le temps de trouver leurs marques. Ce n’est pas seulement une affaire d’économie, mais d’espérance et de dignité.
Maxime TANDONNET