La réalité est là, indéniable. Selon le sondage du Figaro Magazine, Mme le Pen est en tête ce mois ci des personnalités dont la cote d’avenir est la plus élevée, et trois personnes de son parti, ou dissidente figurent dans les 4 premiers… Le résultat est presque vertigineux.
Il ne signifie pas que Mme le Pen et son parti sont assurés de prendre le pouvoir. Les élections nationales sont dans 3 ans, beaucoup d’eau, d’ici là, peut couler sous les ponts – et aussi beaucoup de scandales potentiels. Le succès sondagier ne signifie pas succès électoral et enfin, il sera toujours compliqué (mais pas impossible à la faveur de l’exaspération) de franchir la barre de 50% contre une coalition de circonstance de toutes les autres forces politiques. Déjà des appels au « front républicains se font entendre ».
Le plus invraisemblable, dans tout cela, c’est la bêtise suprême qui explique ce succès sondagier, sans que nul n’ait la moindre idée de remettre en cause des stratégies politiciennes et des idées reçues qui conduisent à cette situation. Les vraies raisons de cette percée sondagière sont aux antipodes de la vision généralement partagée dans la classe politique:
1)-Le discours de la « diabolisation » de l’épouvantail et les appels au front unis ou à la « troisième force » centrale (LR-macronistes) pour « lutter contre l’extrême droite » ne cessent de conforter la position du camp lepéniste ou assimilé en tant que force antisystème sur laquelle le dégoût et l’écœurement populaire viennent se cristalliser – tandis que les dérives du discours mélenchoniste sur l’islamisme ou le Hamas le privent désormais de ce rôle.
2)-Mme le Pen et les siens ne se distinguent jamais par la qualité de leurs projets, les perspectives qu’ils offrent et n’inspirent pas une confiance particulière au pays. Seulement, ils sont les seuls à n’avoir jamais gouverné et profitent de cette virginité: les seuls à ne pas avoir trempé dans ce qui est ressenti par beaucoup comme une descente aux enfers progressive de la France depuis plusieurs décennies.
3)-Le RN et assimilés (Mme Maréchal-le Pen) parviennent mieux que quiconque à incarner le rejet de la présidence Macron qui sombre dans l’impopularité chronique (24% de confiance selon le même sondage soit moins d’un quart). Ils bénéficient à cet égard de la tragédie de la droite LR, dont l’image a été dévastée par la succession des trahisons emblématiques mais aussi par la tentation de la collaboration avec le macronisme, sur l’Absurdistan sanitaire, sur les retraites comme sur la loi immigration… 3 ans avant les élections nationales, vont-ils enfin comprendre?
4)-Le style le Pen favorise une identification populaire par opposition à l’image élitiste qu’offre le reste de la classe politique (en dehors de M. Mélenchon, mais qui s’est grillé par son extrémisme): la gouaillerie, l’anti-intellectualisme, l’absence de prétention et l’apparente simplicité. Cela ne signifie pas que le personnage soit forcément en conformité avec cette image mais que celle-ci favorise une certaine identification populaire. Aucun autre parti n’a su trouver une personnalité pouvant rivaliser sur ce plan… en tout cas pas encore.
5)-La course aux « idées du RN » qui s’est exprimée notamment pendant la réforme de l’immigration profite évidemment à ses leaders en leur donnant raison. La classe politique (hors gauche) y compris LR et la majorité macroniste, a ainsi validé la préférence nationale (personne ne veut l’admettre mais c’est un fait) concept lepéniste par excellence en s’en prenant aux droits sociaux des étrangers (en situation régulière). Or il existe une autre manière infiniment plus utile et juste de parler d’immigration sur la maîtrise des frontières et des visas, la lutte contre les filières criminelles et les entrées illégales, le co-développement – à laquelle il ne fallait pas renoncer pour se livrer à un exercice d’imitation voué à l’échec.
6)-Au royaume des aveugles, les borgnes sont roi. Parler de popularité avec 41% d’avis favorables est douteux. En fait, Mme le Pen profite surtout du discrédit général de la classe politique et du fait que personne n’émerge vraiment aujourd’hui. Avec plus de 50 à 60% de taux de confiance, on peut parler de popularité. En tête avec 41%: cela ne signifie pas populaire, mais moins impopulaire que les autres.
MT