Rapport BEA complet sur l’accident survenu le 25 juillet 2000 au lieu-dit La Patte d’Oie de Gonesse (95) au Concorde immatriculé F-BTSC exploité par Air France.
AVERTISSEMENT
Ce rapport exprime les conclusions du BEA sur les circonstances et les causes de cet accident.
Conformément à l’Annexe 13 à la Convention relative à l’aviation civile internationale, à la Directive 94/56/CE et à la Loi n° 99-243 du 29 mars 1999, l’enquête technique n’est pas conduite de façon à établir des fautes ou à évaluer des responsabilités individuelles ou collectives. Son seul objectif est de tirer de l’événement des enseignements susceptibles de prévenir de futurs accidents.
En conséquence, l’utilisation de ce rapport à d’autres fins que la prévention pourrait conduire à des interprétations erronées.
DÉROULEMENT DE L’ENQUÊTE
Le mardi 25 juillet 2000 vers 14 h 50 UTC, le BEA a été informé de l’accident d’un Concorde sur la commune de Gonesse (95) après son décollage de Paris Charles de Gaulle. Conformément à la loi du 29 mars 1999 relative aux enquêtes techniques sur les accidents et incidents dans l’aviation civile, une enquête technique a été ouverte. Un enquêteur principal a été désigné pour la conduire.
En application des dispositions de l’Annexe 13 à la Convention relative à l’Aviation Civile Internationale, un représentant accrédité et deux enquêteurs britanniques, accompagnés de plusieurs experts de BAE SYSTEMS et de Rolls Royce, ont été associés à l’enquête au titre de l’Etat constructeur. Des observateurs allemands (BFU) et américains (NTSB et FAA) ont également été associés à l’enquête. L’observateur du NTSB a, par la suite, reçu le statut de représentant accrédité. La compagnie Air France, EADS et SNECMA ont mis de nombreux experts à la disposition du BEA.
Le Ministre de l’Equipement, des Transports et du Logement a mis en place le 26 juillet une Commission d’enquête, conformément à la loi du 29 mars 1999. Cette Commission a assisté le BEA dans ses travaux. Elle a tenu onze réunions au cours desquelles, après avoir approuvé la démarche suivie, elle a été informée des progrès de l’enquête, a discuté et approuvé les projets de rapport successifs. Plusieurs de ses membres ont participé aux travaux du BEA.
L’ensemble des opérations qui ont été effectuées sur le site ou sur les éléments de l’avion l’ont été en coordination avec les responsables de l’enquête judiciaire, dans le respect des procédures de cette enquête. Le site et les éléments de l’avion ont été en permanence sous le contrôle de l’autorité judiciaire.
Le lendemain de l’accident, l’enquêteur désigné a constitué sept groupes de travail pour déterminer et recueillir les renseignements nécessaires à l’enquête dans les domaines suivants :
- site et épave,
- avion, systèmes et moteurs,
- préparation et conduite du vol, renseignements sur l’équipage,
- enregistreurs,
- performances de l’avion,
- témoignages,
- examen des événements antérieurs.
Le 16 août 2000, sur les bases des constatations de l’enquête, le BEA et son homologue britannique l’AAIB ont émis une première recommandation de sécurité.
Un rapport préliminaire a été publié le 31 août 2000.
Après la publication du rapport préliminaire, l’enquête s’est poursuivie, toujours en association étroite avec les représentants des organismes d’enquête étrangers et des entreprises concernés et en coordination avec les responsables de l’enquête judiciaire.
Quatre groupes de travail ont remplacé ceux de l’organisation initiale :
- épave,
- conduite du vol et performances avion,
- événements antérieurs, certification et réglementation,
- recherches techniques.
Les travaux sur l’épave se sont poursuivis, particulièrement sur la partie gauche (baie sèche, voilure, puits de train) dont les débris regroupés ont été examinés et repositionnés, avec des retards dus entre autres à la présence d’amiante.
Des enquêteurs français et américains ont pu inspecter l’avion qui avait perdu la lamelle métallique à l’origine de l’entaille du pneumatique. Ils ont tenu une réunion de travail avec les représentants de Continental Airlines au siège du NTSB à Washington.
Les examens des moteurs, du panneau mécanicien, des débris de pneumatique, des morceaux du réservoir 5 et des trains d’atterrissage se sont déroulés dans le cadre de l’instruction judiciaire et ont été soumis aux contraintes de cette procédure. Le BEA a participé à ces examens.
Divers essais et études complémentaires ont été effectués en France, en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis.
Deux rapports d’étape ont été publiés, le 15 décembre 2000 et le 10 juillet 2001.
Conformément à l’Annexe 13, le projet de rapport final a été envoyé pour observations à l’AAIB, au NTSB et au BFU. Plusieurs réunions ont été menées avec l’AAIB. Les observations dont il n’a pu être tenu compte ont été annexées au présent rapport, en particulier celles relatives à la procédure même de l’enquête.
RENSEIGNEMENTS DE BASE
Déroulement du vol
Le mardi 25 juillet 2000, le Concorde immatriculé F-BTSC exploité par la compagnie Air France va décoller de Paris Charles de Gaulle pour effectuer le vol à la demande AFR 4590 à destination de New York avec à son bord neuf membres d’équipage (3 PNT, 6 PNC) et cent passagers. Le commandant de bord est pilote en fonction, l’officier pilote de ligne est pilote non en fonction.
La masse totale de l’avion et le carburant à bord annoncés au moment de la mise en route par l’officier mécanicien navigant sont respectivement de 186,9 et de 95 tonnes. Les vitesses retenues par l’équipage sont V1 : 150 kt, VR : 198 kt, V2 : 220 kt.
- A 13 h 58 min 27 s, l’AFR 4590 contacte la tour de contrôle sur la fréquence prévol et demande à utiliser la piste 26 droite sur toute sa longueur pour un décollage à partir de 14 h 30.
- A 14 h 07 min 22 s, le contrôleur donne l’autorisation de mise en route et confirme la piste 26 droite pour le décollage.
- A 14 h 34 min 38 s, le contrôleur Sol donne l’autorisation de rouler vers le point d’arrêt de la piste 26 droite en empruntant la voie de circulation Roméo.
- A 14 h 40 min 02 s, le contrôleur Loc Sud autorise le 4590 à s’aligner. A 14 h 42 min 17 s, il l’autorise à décoller en lui annonçant un vent du 090° pour 8 kt. L’AFR 4590 collationne l’autorisation de décollage. L’OMN annonce que l’avion a consommé huit cents kilogrammes de carburant pendant le roulage.
- A 14 h 42 min 31 s, le PF annonce le top décollage. A 14 h 42 min 54,6 s, le PNF effectue l’annonce cent noeuds, puis neuf secondes plus tard V1.
- Quelques secondes après, le pneu n° 2 (avant droit) du train principal gauche se détruit après avoir roulé sur une lamelle métallique perdue par un appareil qui avait décollé cinq minutes avant. Cette destruction provoque vraisemblablement la projection de gros morceaux de caoutchouc sur l’intrados de l’aile gauche et la rupture d’une partie du réservoir 5. Un feu important se déclare sous la voilure gauche de l’avion etdans le même temps les moteurs 1 et 2 subissent une perte de poussée, forte pour le 2, légère pour le 1.
- Vers 14 h 43 min 13 s, alors que le PF débute la rotation à la vitesse de 183 kt, le contrôleur signale la présence de flammes derrière l’avion. Le PNF collationne puis l’OMN annonce la panne du moteur 2. Les paramètres enregistrés montrent également une forte baisse de puissance momentanée du moteur 1 non mentionnée par l’équipage. Vers 14 h 43 min 22 s, l’alarme feu moteur retentit et l’OMN annonce « coupe le moteur 2 » puis le commandant de bord appelle la procédure « feu réacteur ». Quelques secondes plus tard, la poignée coupe-feu du moteur 2 est actionnée et l’alarme feu s’arrête. Le PNF attire l’attention du PF sur la vitesse qui est de 200 kt.
- A 14 h 43 min 30 s, le PF demande la rentrée du train. Le contrôleur confirme la présence de fortes flammes derrière l’avion.
- A 14 h 43 min 42 s, l’alarme feu moteur retentit à nouveau pendant environ douze secondes. Elle retentira une troisième fois vers 14 h 43 min 58 s et sonnera jusqu’à la fin du vol.
- A 14 h 43 min 56 s, le PNF constate que le train ne rentre pas. Il fait plusieurs annonces concernant la vitesse.
- A 14 h 43 min 59 s, plusieurs alarmes GPWS retentissent. Le PNF informe le contrôle qu’ils essayent l’aérodrome du Bourget. Les paramètres enregistrés montrent une chute de la puissance du moteur 1, puis quelques secondes plus tard des moteurs 3 et 4. L’avion s’écrase sur un hôtel au lieu dit la Patte d’Oie de Gonesse, à l’intersection des routes D902 et N17.
113 Tués : 100 passagers, 9 membres d’équipage, plus 4 personnes au sol.