Raison ou Folie dans l’histoire?

Hegel_portrait_by_Schlesinger_1831Avant-hier, je tombe sur une interview de Mikhael Gorbatchev publiée par le Figaro (19 novembre). Dans l’ouragan de crétinerie qui nous enveloppe, toute trace d’intelligence est une pépite inestimable. Il prononce des mots fascinants: « Il arrive que l’histoire accélère sa course. Elle punit alors tous ceux qui se trouvent en retard. Elle punit encore plus sévèrement tous ceux qui prétendent se mettre en travers de leur chemin » . L’ancien dirigeant soviétique, l’un des plus grands personnages du siècle passé, soulève une question presque obsédante. Les grands courants de l’histoire semblent échapper à la volonté et à l’intelligence humaine. Hegel pensait (ai-je compris), que « la Raison » invisible et incompréhensible, qu’il appelle aussi « l’Esprit« , guide les grands mouvements de l’humanité, les évolutions comme les ruptures, par exemple le règne des grandes religions monothéistes (au Moyen-âge), les Nations, la révolution industrielle, la démocratie, la colonisation et la décolonisation, les totalitarismes et les guerres planétaires, la mondialisation… « C’est l’idée que la Raison gouverne le monde et par conséquent, gouverne et a gouverné l’histoire universelle [...] Par rapport à cette Raison universelle et substancielle, tout le reste est subordonné et lui sert d’instrument et de moyen. De plus, cette Raison est immanente dans la réalité historique, elle s’accomplit en et par celle-ci » (La raison dans l’histoire, collection 10/18). Selon lui, derrière l’apparence du chaos, de l’incertitude, il existe un dessein universel, un principe qui conduit l’humanité quelque part. Est-ce vraiment la Raison universelle qui guide l’histoire ou bien la Folie, la Déraison universelle? S’interroge-t-on en le lisant. En tout cas, je partage ce sentiment que les soubressauts de l’histoire échappent à la volonté humaine. Quelle est la marge de manoeuvre des responsables publics? peut-on se demander. J’aime bien cette réponse de Napoléon: « Je ne me butais pas à plier les circonstances à mes idées, mais je me laissais en général conduire par elles. Qui peut à l’avance répondre des circonstances fortuites, des accidents inopinés. Que de fois j’ai dû changer essentiellement. Aussi ai-je vécu de vues générales bien plus que de plans arrêtés. » La politique consiste, au mieux, à essayer d’orienter, tenter de canaliser les mouvements de l’histoire, dans le sens du bien commun; au pire, à s’abandonner à la communication, aux effets de manche, à l’imposture consistant à faire croire que l’on maîtrise des phénomènes qui nous échappent, donc au mépris des autres. Le gorbatchevgrand homme, à l’image de Gorbatchev, n’est pas nécessairement un prophète, mais un personnage assez lucide et honnête pour admettre cette vérité élémentaire.

Maxime TANDONNET


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Author: Redaction