Rachat de Neymar, sport ou argent fou ? (Figaro Vox)

L’actualité, en ce début d’août 2017, est dominée par l’annonce du transfert de Neymar au Paris Saint Germain et le coût de sa clause de rachat à Barcelone pour le club parisien : 222 millions d’euros. A cela s’ajoutent les informations qui circulent sur le futur salaire net du joueur, estimé à 30 millions d’euros nets annuels. Le coût total de l’opération, sur plusieurs années, serait d’environ 400 millions d’euros, selon des estimations.

La presse et les médias relèvent le caractère « astronomique » de ces montants mais pour l’instant, au moment de l’annonce, la polémique n’est pas au rendez-vous. Dans l’ensemble, le ton initial des commentaires est plutôt compréhensif, oscillant entre enthousiasme et fatalisme. On évoque les rentrées fiscales pour l’Etat et les perspectives d’amortissement de cette dépense pour le PSG, la rentabilité potentielle de l’investissement. Aujourd’hui, au premier stade de la nouvelle, les médias, la presse morale comme les partis politiques, globalement, se plient au relatif consensus dominant.

La question de principe, autour des inégalités et de la « décence » de certaines rémunérations, d’habitude si prégnante en France, se fait étrangement discrète. Qui oserait encore rappeler qu’avec 400 millions d’euros, on construit une centaine d’écoles (de dix classes), ou qu’un salaire net de 30 millions d’euros annuel représente 1690 SMIC ?

Pourtant, l’annonce quelques mois plus tôt de la rémunération du PDG de Renault, 7,2 millions d’euros annuels (et le double avec Nissan), donc un montant bien inférieur, avait déclenché une furieuse polémique. Deux poids, deux mesures ? La rémunération d’un personnage responsable du quatrième groupe mondial de l’industrie automobile, produisant des millions de véhicules, assurant l’emploi, directement ou indirectement, de centaines de milliers de salariés, est considérée comme insupportable au regard du principe d’égalité. Mais une rémunération qui représente plus du double, pour un joueur de football, assortie d’une clause de rachat de 220 millions d’euros, semble naturellement acceptée.

La moindre suspicion relative à l’argent, y compris d’origine privée, chez un homme politique ou responsable public, provoquera un monstrueux tollé, de l’extrême gauche à l’extrême droite, jusqu’à déstabiliser une démocratie. Mais la valse de centaines de millions, concernant un sportif ultra-médiatisé, ne suscite guère d’état d’âme et peu d’interrogations. Comment expliquer de tels paradoxes ?

Nous ne sommes plus, à titre principal, dans la logique du sport au sens du Petit Robert : « Activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l’effort. » En revanche, le phénomène relève de l’idolâtrie. Nous nageons dans l’irrationnel. Neymar est une icône planétaire, une star. Il est adoré comme une sorte de demi-dieu médiatique. D’où le caractère sensationnel de sa venue à Paris. Or, l’adoration, l’exercice d’un culte, y compris d’un culte médiatique, n’a pas de prix.

De fait, sur le plan de la créativité, le football – vingt-deux hommes qui courent après un ballon – est un spectacle en soi assez pauvre. Sa puissance d’entraînement et de fascination repose sur le seul instinct de foule et l’exaltation de la domination sur un adversaire – à l’inverse d’une œuvre d’art qui suscite l’émerveillement par elle-même. Neymar sans la perspective de victoires et de remporter la Ligue des Champions n’est plus rien. Il est des mots que l’on ose à peine prononcer tant ils paraissent devenus archaïques : par exemple celui de chauvinisme.

L’engouement pour le recrutement de Neymar au PSG, le relatif unanimisme qui prévaut pour l’instant autour de cet événement, dans la presse, les milieux intellectuels, les partis politiques y compris de gauche, les plus prompts à s’indigner des salaires des grands dirigeants d’entreprise, reflètent un climat préoccupant. Ils témoignent d’une perte de sens, de l’affaiblissement des repères intellectuels, de la réflexion critique. Est-il seulement permis de s’interroger sur l’exagération qui entoure la vénération d’une star du football au regard des enjeux véritables du destin collectif, sur les plans intellectuels et politiques? Ou sur l’impact pour les jeunes du modèle associant culte de la personnalité et argent roi gagné sur un terrain de jeu? « Opium du peuple », disiez-vous ?

Une étude réalisée entre 2002 et 2006, publiée en 2017 par la revue Intelligence, dénonce un effondrement du quotient intellectuel dans les pays occidentaux (la France y figure au 9ème rang à égalité avec l’Espagne et les Etats-Unis). Le phénomène Neymar, parmi d’autres du même genre, cette euphorie à la fois excessive, artificielle et grégaire, serait-elle le produit d’un affaiblissement général de la culture et de l’intelligence critique?


Lire la suite sur le blog perso de Maxime Tandonnet ...

Author: Redaction

Rachat de Neymar, sport ou argent fou ? (Figaro Vox)

L’actualité, en ce début d’août 2017, est dominée par l’annonce du transfert de Neymar au Paris Saint Germain et le coût de sa clause de rachat à Barcelone pour le club parisien : 222 millions d’euros. A cela s’ajoutent les informations qui circulent sur le futur salaire net du joueur, estimé à 30 millions d’euros nets annuels. Le coût total de l’opération, sur plusieurs années, serait d’environ 400 millions d’euros, selon des estimations.

La presse et les médias relèvent le caractère « astronomique » de ces montants mais pour l’instant, au moment de l’annonce, la polémique n’est pas au rendez-vous. Dans l’ensemble, le ton initial des commentaires est plutôt compréhensif, oscillant entre enthousiasme et fatalisme. On évoque les rentrées fiscales pour l’Etat et les perspectives d’amortissement de cette dépense pour le PSG, la rentabilité potentielle de l’investissement. Aujourd’hui, au premier stade de la nouvelle, les médias, la presse morale comme les partis politiques, globalement, se plient au relatif consensus dominant.

La question de principe, autour des inégalités et de la « décence » de certaines rémunérations, d’habitude si prégnante en France, se fait étrangement discrète. Qui oserait encore rappeler qu’avec 400 millions d’euros, on construit une centaine d’écoles (de dix classes), ou qu’un salaire net de 30 millions d’euros annuel représente 1690 SMIC ?

Pourtant, l’annonce quelques mois plus tôt de la rémunération du PDG de Renault, 7,2 millions d’euros annuels (et le double avec Nissan), donc un montant bien inférieur, avait déclenché une furieuse polémique. Deux poids, deux mesures ? La rémunération d’un personnage responsable du quatrième groupe mondial de l’industrie automobile, produisant des millions de véhicules, assurant l’emploi, directement ou indirectement, de centaines de milliers de salariés, est considérée comme insupportable au regard du principe d’égalité. Mais une rémunération qui représente plus du double, pour un joueur de football, assortie d’une clause de rachat de 220 millions d’euros, semble naturellement acceptée.

La moindre suspicion relative à l’argent, y compris d’origine privée, chez un homme politique ou responsable public, provoquera un monstrueux tollé, de l’extrême gauche à l’extrême droite, jusqu’à déstabiliser une démocratie. Mais la valse de centaines de millions, concernant un sportif ultra-médiatisé, ne suscite guère d’état d’âme et peu d’interrogations. Comment expliquer de tels paradoxes ?

Nous ne sommes plus, à titre principal, dans la logique du sport au sens du Petit Robert : « Activité physique exercée dans le sens du jeu, de la lutte et de l’effort. » En revanche, le phénomène relève de l’idolâtrie. Nous nageons dans l’irrationnel. Neymar est une icône planétaire, une star. Il est adoré comme une sorte de demi-dieu médiatique. D’où le caractère sensationnel de sa venue à Paris. Or, l’adoration, l’exercice d’un culte, y compris d’un culte médiatique, n’a pas de prix.

De fait, sur le plan de la créativité, le football – vingt-deux hommes qui courent après un ballon – est un spectacle en soi assez pauvre. Sa puissance d’entraînement et de fascination repose sur le seul instinct de foule et l’exaltation de la domination sur un adversaire – à l’inverse d’une œuvre d’art qui suscite l’émerveillement par elle-même. Neymar sans la perspective de victoires et de remporter la Ligue des Champions n’est plus rien. Il est des mots que l’on ose à peine prononcer tant ils paraissent devenus archaïques : par exemple celui de chauvinisme.

L’engouement pour le recrutement de Neymar au PSG, le relatif unanimisme qui prévaut pour l’instant autour de cet événement, dans la presse, les milieux intellectuels, les partis politiques y compris de gauche, les plus prompts à s’indigner des salaires des grands dirigeants d’entreprise, reflètent un climat préoccupant. Ils témoignent d’une perte de sens, de l’affaiblissement des repères intellectuels, de la réflexion critique. Est-il seulement permis de s’interroger sur l’exagération qui entoure la vénération d’une star du football au regard des enjeux véritables du destin collectif, sur les plans intellectuels et politiques? Ou sur l’impact pour les jeunes du modèle associant culte de la personnalité et argent roi gagné sur un terrain de jeu? « Opium du peuple », disiez-vous ?

Une étude réalisée entre 2002 et 2006, publiée en 2017 par la revue Intelligence, dénonce un effondrement du quotient intellectuel dans les pays occidentaux (la France y figure au 9ème rang à égalité avec l’Espagne et les Etats-Unis). Le phénomène Neymar, parmi d’autres du même genre, cette euphorie à la fois excessive, artificielle et grégaire, serait-elle le produit d’un affaiblissement général de la culture et de l’intelligence critique?


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