Que faut-il attendre, du point de vue des événements en cours, sur le plan politique?
Deux effets concurrents peuvent jouer.
Le plus immédiat est celui du phénomène d’union autour du « chef national », classique des grandes tragédies collectives. Sans remonter à la débâcle de 1940 et ses suites, un tel réflexe a fortement joué dans les jours qui ont suivi les attentats islamistes de janvier et du 13 novembre 2015. A chaque fois, la cote de popularité de François Hollande a gagné 10 à 20 points. Dans le cas d’un drame tout aussi terrifiant et plus étalé dans le temps, cette même réaction légitimiste, mécanique, nonobstant toute analyse des mérites ou des défaillances, a toutes les chances de s’exercer, même brièvement.
Ensuite, il est indéniable que la France va être, dans les mois qui viennent, foudroyée par un indescriptible désastre économique. Il n’est pas de précédent historique à l’arrêt brutal et quasi-intégral d’une économie nationale du XXIe siècle, fortement numérisée, connectée et ouverte. C’est un bouleversement titanesque qui se profile à l’horizon: gigantesque vague de chômage, retour de la « planche à billet » et de l’inflation, vertigineuse explosion des déficits et de la dette publique, spectre d’une sortie de l’euro, qui viendra probablement de l’Allemagne elle-même, succession de pénuries. Un chaos social gravissime, un effondrement du pays voire de l’Europe dans la violence pourraient en résulter.
Dès lors le réflexe politique inverse du premier, au bout de quelques mois, peut surgir des profondeurs de la nation: en finir avec ceux qui nous ont livré à cet enfer, c’est-à-dire un grand coup de balai électoral touchant l’équipe dirigeante au pouvoir. Ce basculement, de la servitude à la fureur, peut intervenir subitement, en quelques heures.
Et après? Toujours l’incertitude : pour mettre qui ou quoi à la place? Si la déraison et la colère populaire l’emportent, il faut craindre une fuite en avant dans la démagogie et l’incompétence qui auront pour effet d’amplifier toujours davantage le chaos. « Un bien ne succède pas nécessairement à un mal. Un mal encore pire peut lui succéder » (Montaigne). En revanche, si les conditions de l’offre politique s’y prêtent, si le sang-froid, le bon sens et la raison nationale l’emportent sur la tentation de la folie, la nation peut aussi faire appel à quelques loyaux serviteurs du pays qui mettront leur abnégation et leur compétence à sa disposition le temps nécessaire, sans prétendre accomplir des miracles, mais assurer sa survie et le replacer sur les rails de l’avenir. Puisqu’il ne faut jamais renoncer à l’espérance, parions résolument sur cette issue.
Maxime TANDONNET