Que peut-il encore se passer?

Le constat est largement partagé: jamais une campagne présidentielle n’aura été aussi creuse et insipide. Tout se passe comme si le pays devait se donner un gourou destiné à pavoiser pendant cinq ans pour couvrir l’effondrement en profondeur d’une nation. Mais ce néant ne signifie pas que tout est joué d’avance.

Les Français doivent savoir que contrairement aux apparences, le chef de l’Etat, du point de vue juridique, dispose de peu de pouvoirs personnels selon la Constitution. Sous certaines conditions, il peut dissoudre l’Assemblée (article 12) et s’attribuer les pleins pouvoirs en situation de révolution ou de guerre, en recourant à l’article 16 – avec de nombreux garde-fous.

Pour le reste, l’exercice quotidien du pouvoir, notamment voter les lois ou recourir au référendum, il a besoin d’une majorité à l’Assemblée nationale, d’un Premier ministre et d’un gouvernement dont le choix est conditionné par la majorité parlementaire.

Le chef de l’Etat a pris une importance aussi considérable du fait de son élection au suffrage universel depuis 1962, de l’alignement des élections législatives sur la sienne et de son intense médiatisation. Quand le président n’a pas de majorité servile à l’Assemblée nationale, il perd l’essentiel de son autorité au profit d’un Premier ministre soutenu par la majorité parlementaire (1986-1988, 1993-1995 ou 1997-2002).

Dès lors, aujourd’hui, dans le contexte sondagier, le champ des possibles reste ouvert. La perspective d’une réélection du président Macron, suivie de la réélection dans la foulée d’une majorité macroniste (LAREM et assimilés) est une possibilité parmi d’autres. Ce serait le choix du statu quo et du prolongement à l’identique des cinq dernières années (30% de chances).

Une autre issue est envisageable. La conscience collective donne lieu à un découplage entre le culte de la personnalité et la satisfaction envers une politique. Si M. Macron dispose d’une relative popularité, surtout du fait de son action internationale, le bilan de son quinquennat est sévèrement jugé par les Français. Ce phénomène pourrait se traduire dans les urnes par la réélection de l’actuel président mais en parallèle l’élection d’une Assemblée nationale hétérogène, sans majorité précise.

Le quinquennat a été prévu pour éviter ce genre de situation mais sa logique pourrait céder face à la décomposition du paysage politique et idéologique. Un tel avènement se traduirait par un bouleversement du fonctionnement des institutions, la désignation d’un gouvernement indépendant du chef de l’Etat – peut-être dans un contexte conflictuel – et un mode d’exercice du pouvoir aléatoire, fondé sur des alliances, des majorités d’idées ou de circonstances (30% de chances).

Mais la réélection de l’actuel président est loin d’être une certitude. En se fondant sur les sondages, nul ne peut désormais exclure à coup sûr l’accession de Mme le Pen à l’Elysée du fait notamment de la candidature Zemmour qui a donné un puissant coup de pouce à sa « dédiabolisation » en la débordant sur la droite…Une vague d’antimacronisme, nourrie des dernières affaires, touchant la droite mais aussi une partie de la gauche, dans un contexte d’abstentionnisme considérable, peut entraîner un « séisme ».

Mais dès lors, Mme le Pen n’aurait sans doute pas de majorité parlementaire RN compte tenu de la faiblesse de l’enracinement local de ce parti. Elle porterait à la perfection le symptôme du président « gourou » et l’Elysée deviendrait totalement marginalisé, l’exercice du pouvoir politique basculant du côté du Parlement, avec une Assemblée probablement hétéroclite et du Gouvernement qui en émanerait dans un contexte dominé par la paralysie et l’instabilité (30% de chances).

Il reste 10% de chances… pour tout autre chose. Pour un tout autre scénario, imprévu, imprévisible, inconcevable aujourd’hui, celui qui dépasse l’imagination, balaye la loi des sondages, celui laissé dans les mains de la providence…

MT

Author: Redaction