Ci-dessous, mon article paru ce matin dans le Figaro (papier). L’idée n’est vraiment pas de se demander, à l’image de 98% des commentaires médiatiques, si l’actuel président de la République est formidable ou s’il ne l’est pas. Tout ce qui compte, c’est le pays, le bien commun, l’intérêt général, par-delà tel ou tel individu. La véritable question est de savoir ce que recouvre le prodigieux écran de fumée médiatique autour d’une personnalité et du grand spectacle politicien, cette vertigineuse fuite dans la posture, la polémique, l’émotion, l’idolâtrie et sa face cachée, le dénigrement, la haine, le lynchage. Sans doute est-il plus difficile de réfléchir que de s’émerveiller ou de s’indigner. L’extraordinaire enfumage que nous subissons à présent a un sens: s’auto-aveugler sur la réalité d’une nation qui s’effondre lentement (encore que…) mais sûrement, dans l’indifférence, la lâcheté, l’abêtissement. Plus que jamais, sur tous les grands enjeux de l’époque, l’heure est au renoncement dissimulé sous les gesticulations, les illusions, les paroles creuses et le faire-semblant. Ceci n’est pas un texte partisan car il ne comporte aucun sous-entendu ni aucun engagement envers aucun personnage ou parti politique. Il vise à s’adresser, sans prétention, à la lucidité collective, à la majorité silencieuse, aux Français comme vous et moi.
Maxime TANDONNET
Pour un renouveau authentique de la vie politique
« Et soudain la foudre s’abat sur nous », raconte Patrick Stefanini dans Déflagration, à la lecture du fameux article du Canard Enchaîné le 24 janvier 2017,qui ouvre le Fillongate et précipite la « droite » dans la plus calamiteuse débâcle électorale de son histoire.
Le récit de l’ancien directeur de campagne de François Fillon constitue un témoignage capital sur la politique française. A la fin de l’été 2016, la bataille fait rage entre les rivaux de la primaire de droite pour le saint graal élyséen. François Fillon prend l’avantage en s’attaquant à Nicolas Sarkozy: «Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen?» L’opération réussit, au-delà de toute attente: «Fillon casse la baraque médiatique.» Complots et trahisons s’ourdissent quand les chances de victoire s’amenuisent. Ainsi, Stefanini découvre, dès mars, l’existence parmi les soutiens essentiels de la campagne de Fillon, d’une «bande du Bellota» (nom d’un restaurant) qui anticipe déjà sur la défaite et prépare sa conversion à la candidature de M. Macron.
U n constat s’impose: le nihilisme dans lequel s’ébattent des acteurs animés avant tout par l’ivresse d’eux-mêmes, sur une scène qui semble dériver bien loin du monde réel et de la France profonde. A aucun moment du récit n’apparaît la tragédie de la «crise des migrants» ni le mot «chômage», et bien peu celui de terrorisme.
La « recomposition politique », issue de la victoire de M. Macron et de LERM est le fruit de ce désastre. Mais au-delà du renouvellement des têtes, peut-on parler aujourd’hui d’un changement en profondeur de la vie politique française? Le « nouveau monde » est-il si différent de l’ancien?
Pour qu’il en fût ainsi, il faudrait que le mépris de la France dite « d’en haut », envers la France dite « d’en bas », qui s’exprime dans la diabolisation du mot « populiste » dérivé de peuple, ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Les Français souffrent de se sentir méprisés. 88% estiment que les politiques « ne tiennent aucun compte de ce que pensent les gens comme eux » (Cevipof). Le taux d’abstention a dépassé les 50% aux dernières législatives. Or, rien aujourd’hui ne permet d’espérer la fin de la fracture démocratique.
Il faudrait aussi que s’ouvre une réflexion sur le sens d’un régime politique fondé, depuis longtemps, sur le culte de la personnalité. Qu’est-ce que la personnalisation du pouvoir à outrance, sinon le masque du néant? Aucune illusion n’est plus trompeuse et infantilisante. Le mythe du chef tout puissant? Et s’il n’était que le paravent de l’affaiblissement, sur le long terme, de la confiance populaire et de l’autorité de l’Etat? Le régime actuel fait de l’image médiatique d’un homme – et sa réélection – le but en soi de la politique au détriment de l’intérêt général. Il favorise ainsi, de décennie en décennie, l’impuissance et le déclin. Nous sommes à mille lieues des fondements de la Ve République, la Constitution de 1958, autour d’un président impartial, visionnaire, garant de l’unité nationale et du prestige de la France, d’un gouvernement puissant et responsable de la politique intérieure, d’un Parlement respecté et souverain, de la nation elle-même, à travers le référendum. Le retour à un septennat présidentiel, rendu non renouvelable, serait un premier pas dans le bonne direction. Mais qui se soucie aujourd’hui de ces questions fondamentales?
Pour passer d’un renouvellement des têtes à un renouveau en profondeur, il faudrait de même réconcilier la vie politique avec le monde des réalités. Son glissement dans la communication ne cesse de s’amplifier. La vie publique se réduit à des postures, des provocations et polémiques, des sondages, des réformes douteuses présentées comme des solutions radicales. Le décalage entre la politique spectacle et les tourments de la vie réelle, s’amplifie de jour en jour: désindustrialisation, chômage, dette, prélèvements obligatoires records, déficits, violences, exclusion, zones de non-droit, échec scolaire… Il faudrait que le sens de la vérité sur l’état de la France, et le rejet de la démagogie, s’imposent comme les fondementsde toute politique. Il faudrait que, dans la vie publique, le sens de l’intérêt général l’emporte sur les préoccupations individuelles, matérielles ou de vanité. Il faudrait enfin restaurer le débat d’idées. La vie politico-médiatique tend à diaboliser toute position non conforme à la ligne idéologique sur la mode libérale-libertaire, sur la négation des frontières, les transferts de compétences à Bruxelles. Notre époque prône la diversité mais ne supporte pas le pluralisme. Ressusciter la démocratie française suppose de redécouvrir le droit de débattre librement sans encourir un lynchage public. Il faudrait… Mais nous en sommes bien loin…