Parler « d’opposition systématique » est inexact. Le choix fait par les députés de droite classique est de se prononcer au cas par cas sur les projets de loi en fonction de l’intérêt du pays – tel qu’ils le conçoivent. Depuis l’été 2022 mais aussi 2017, plusieurs textes proposés par le gouvernement ont été votés avec l’apport de voix LR. Quant à « renouer avec l’esprit de responsabilité », la formule est trompeuse. De fait, les députés de droite classique, les 62, ont été élus sur une ligne générale d’opposition au macronisme. Si leurs électeurs avaient voulu soutenir le pouvoir macroniste – lui donner une majorité absolue – ils auraient voté pour Renaissance et ses alliés, et non pour des candidats LR. Ainsi, l’attitude des quelques députés LR qui manifestent aujourd’hui (discrètement) leur intention de rejoindre la majorité et reconstituer artificiellement une majorité absolue, contre le choix de leurs électeurs, ne relève pas d’une culture de gouvernement mais d’une culture d’opportunisme, sinon de trahison. A l’heure où l’abstentionnisme atteint un record absolu de 60% aux élections législatives, ce genre de comportement ne peut qu’aggraver la crise de confiance en la politique.
Dans quelle mesure le macronisme se révèle-t-il être un piège pour LR ?
Cette troisième vague de ralliements (éventuels et très minoritaires) comme l’idée d’un « pacte de gouvernement » entre LR et le chef de l’Etat me semblent procéder d’une vision fausse de la situation. Elle repose sur l’idée d’une base idéologique commune entre le macronisme et la droite. Mais sur l’immigration, la sécurité, le recours sans compter à la dépense publique, aux déficits et à la dette publique, la désindustrialisation, le nivellement scolaire, les sujets sociétaux (PMA sans père), le macronisme ne fait que poursuivre à l’identique, sinon en l’accentuant sur certains points, la politique socialiste incarnée par M. Hollande. Et rien ne laisse penser que le président Macron, qui a traité la colonisation de « crime contre l’humanité » et appelé à « déconstruire l’histoire de France », soit disposé à se plier à des exigences d’une droite classique d’ailleurs minoritaire à l’Assemblée. Certains commentateurs affirment que « Macron est de droite ». Peut-être qu’il est parfois « de droite » par certaines postures et paroles pour des raisons de séduction électoralistes. Mais issu du parti socialiste, ancien conseiller et ministre de François Hollande, il reste fondamentalement socialiste par les actes. Et pourquoi en serait-il autrement ?
Cette situation est-elle causée par l’incapacité de LR à promettre un avenir national à ses élus locaux ou à sa jeune garde ?
L’argument selon lequel LR doit collaborer étroitement avec le pouvoir macroniste pour « rester un parti de gouvernement » ou pour promouvoir ses « jeunes talents » permet de justifier toutes les compromissions possibles… On imagine ce que ce genre de raisonnement peut donner dans l’histoire. Il exprime un renoncement à toute idée de conviction et de sincérité en politique. Ce genre de justification sert surtout à habiller la tentation opportuniste de quelques politiques et leurs mauvais calculs. L’argument selon lequel il faut « sauver la droite » en la rapprochant du macronisme relève d’un aveuglement incompréhensible. Le macronisme est voué, dans les années qui viennent, à devenir de plus en plus impopulaire et faire l’objet d’un rejet croissant de l’opinion en raison de son style qui incarne l’arrogance et de son bilan désastreux dans le domaine régalien, éducatif, social, économique et financier. Rallier le macronisme aujourd’hui reviendrait à s’enchaîner à un boulet en train de s’enfoncer dans l’abîme. Comment certains, de droite classique, ne le sentent-ils pas ? C’est bien ce qui est invraisemblable…
Pour autant, céder à la tentation de la construction avec Ensemble, n’est ce pas risquer l’immobilisme [à cause du en même temps, derrière une rhétorique de réformes qui n’en sont pas] et une compromission sur les valeurs [régalien, sociétal]. N’est-ce pas déjà là où le problème réside en partie pour LR ?
C’est surtout ouvrir un boulevard définitif à des solutions extrémistes et démagogiques… « Dix ans ça suffit ! » En 2027, les présidentielles et législatives vont probablement se traduire par un raz-de-marée de rejet du macronisme, de tout ce qu’il incarne et de son bilan. Les Français voudront passer à autre chose… Si la droite classique ne s’en tient pas à une ferme opposition d’ici-là, les Français se tourneront évidemment vers d’autres alternatives. En revanche, la droite classique représente aujourd’hui, même si elle paraît en grande difficulté, la seule possibilité de changement profond sans le chaos inévitable que représenterait l’arrivée au pouvoir de LFI ou du RN. Son devoir est de se mettre au travail pour offrir aux Français la perspective d’une alternance ambitieuse plutôt que d’entretenir l’impression de son délitement continu et les velléités ou les soupçons de compromission.
MT