Point Godwin, deux poids deux mesures

Un afficheur ayant caricaturé le président Macron en Hitler a été condamné à 10 000 € d’amende. Cette sanction reflète une indignation générale des médias et de la presse à la suite de cette caricature. Pourtant, qui ne s’en souvient? de 2007 à 2012, le président Sarkozy était quotidiennement, banalement caricaturé en Hitler. D’ailleurs, il ne l’était pas seulement pas un obscur afficheur mais par un grand parti de gauche, le parti socialiste, qui préparait son avènement au pouvoir. Et la presse bien pensante de l’époque, dans son ensemble, à l’image de Libération, s’offusquait, non pas de la caricature, mais que l’on puisse s’offusquer de cette caricature: « Sarkozy caricaturé en Hitler, l’affiche qui scandalise l’UMP« . Comme les temps changent! Et toute la France d’en haut, à l’époque, ricanait sous cap. Outre l’application banalisée du point Godwin à Sarkozy, on se souvient des Guignol sur Canal, tous les soirs, devant des millions de téléspectateurs, qui caricaturaient NS et ses ministres en uniformes nazis portant des brassards avec des croix gammées. Et cela faisait rire tout le monde sans que nul n’y trouve à redire. Et il ne venait à personne, dans les allées du pouvoir, l’idée de porter plainte pour « outrage« . Alors, pourquoi ce « deux poids deux mesures? « . D’abord l’une tient à l’image des deux personnalités: quoiqu’il fasse ou dise, M. Macron provient du camp du bien, progressiste, socialiste, créature de François Hollande, contrairement à M. Sarkozy, se revendiquant en héritier de la « droite décomplexé ». Ensuite, face à l’impuissance chronique de l’Etat, à l’accélération de la décomposition française (violence, dette publique, chômage, déclin scolaire, etc), le pouvoir se cantonne toujours plus dans la majesté au détriment de l’action et des résultats: il se confond avec l’image et c’est pourquoi la sauvegarde de l’image devient aussi vitale. Enfin et c’est sans doute le plus terrible: la liberté a fondu comme neige au soleil en quelques années. Caricaturer un chef de l’Etat – tout chef de l’Etat- en Hitler est certes scandaleux. Mais dans une société de liberté, la vraie honte se retourne naturellement contre les auteurs de la comparaison. Dans une société libre et vivante, il n’y a pas besoin de procureur, de tribunal et d’amende pour sanctionner de telles comparaisons qui se retournent naturellement contre leurs auteurs. Cette totémisation de l’image présidentielle n’est pas le moindre des signes profonds de la désintégration de la France.

MT

Author: Redaction