Dans l’absolu, un âge de la retraite à 65 ans n’a rien de scandaleux. Il importe de distinguer les métiers difficiles physiquement, en usine par exemple, des métiers tertiaires soit 80% des emplois d’aujourd’hui. A 65 ans, pour un travail sans exigence physique particulière, un homme ou une femme est en forme et s’arrêter en pleine force de l’âge peut-être une épreuve. (Je ne parle pas des travaux épuisants physiquement ou des personnes en situation de faiblesse: c’est tout différent). Cependant, (cela sans esprit d’opposition systématique), le projet de réforme actuel appelle de ma part le plus grand scepticisme. Selon les expertises les plus fiables, le report de l’âge à 65 ans permettrait une économie de 33 milliards € d’ici 2035. Qu’est-ce au regard des 560 milliards de dépenses supplémentaires – et d’augmentation de la dette publique – en deux ans, 2020 à 2022, dénoncés par la Cour des Compte dont seuls 140 au titre de l’épidémie de covid 19? Il faudrait d’abord que le pouvoir politique s’explique sur cette vertigineuse explosion de dépenses de son fait. A quoi ces sommes prodigieuses, que devront rembourser les Français, ont-elles servi? Avant d’exiger un effort de la part des Français pour des économies substantielles, le pouvoir doit s’expliquer sur ses propres largesses qui représentent 17 fois les sommes attendues de l’effort exigé des Français. C’est une affaire de crédibilité et de justice. Par ailleurs la France ne parvient pas à sortir d’une longue période de troubles qui s’enchaînent: vague terroriste, scandales politico-financiers, gilets jaunes, mouvement social, épidémie de covid 19, guerre en Ukraine, inflation dramatique notamment pour les PME… Provoquer un nouveau séisme qui va paralyser l’économie française pendant plusieurs semaines avant de reculer et de céder comme toujours serait absolument irresponsable. Le coût d’une crise sociale de ce genre sur plusieurs mois avec paralysie du pays aura tôt fait d’excéder les 32 milliards d’économie attendue. Une réforme des retraites responsable ne se conçoit que dans le cadre d’une large concertation nationale en étudiant toutes les pistes et les solutions possibles et pourquoi pas d’un référendum. Aujourd’hui, la réforme en cours de lancement est symptomatique du pire de la politique actuelle. Elle semble n’avoir pas pour objectif essentiel le bien commun du pays mais une forme de magnificence jupitérienne autour de l’emblème des 65 ans. Elle donne le sentiment de procéder d’une volonté de conjurer le spectre d’un double quinquennat d’immobilisme absolu, en l’absence de toute réforme utile pendant 10 années – et le naufrage du slogan « transformation de la France » dans le ridicule. Ainsi, je ne suis pas favorable à une réforme d’essence plus politique qu’économique et social, dont les fondements seraient inspirés par une logique de slogan et d’autocratie – sa « trace dans l’histoire » – plutôt que par un engagement au service de l’intérêt général.
MT