Plus-value immobilières pour résident suisse: l’intérêt limité de la SCI

Il est assez traditionnel de conseiller à des non résidents qui veulent faire un investissement immobilier de réaliser celui-ci au moyen d’une SCI. Plusieurs raisons expliquent ce conseil. Il peut s’agir de « jouer » sur l’Etat qui taxe la succession dès lors que les parts de SCI sont des meubles et non des immeubles (voir exemple ici). Il peut s’agir également de faire en sorte que la succession soit soumise à une seule loi: on sait en effet que, sauf application du règlement communautaire en matière de successions internationales (qui tarde à arriver!), en France, les biens immobiliers français sont dévolus selon la loi française alors que les biens mobiliers sont dévolus selon la loi du dernier domicile.

Conseiller est un exercice difficile: il arrive fréquemment qu’une organisation mise en place pour une raison particulière, se retrouve peu avantageuse car les circonstances ont changé.Le jugement du Tribunal Administratif de Grenoble, 4e ch. 23 nov 2011, n°065508 Sté Saint-Etienne et M et Mme Aimé,   peut être significatif.

Prenons des résidents suisses qui achètent un immeuble en France via une SCI. Quelques années après ils décident de revendre l’immeuble. Cette cession génère une plus-value. La plus-value est taxée à 33% car le taux réduit de 19% est réservé aux résidents Français et Communautaires.S’appuyant sur le texte de la convention qui prohibe les discriminations en matière de plus-value immobilière avec les Suisses (voir notre billet ici), les contribuables demandent à l’administration de réduire le taux de taxation afin que celle-ci soit taxée de la même manière que pour des français (aujourd’hui c’est 19%). L’administration fiscale refuse. La question est posée au TA Grenoble. 

Le Tribunal de Grenoble rejette l’application de l’article contre la discrimination en matière de plus-value immobilière de la Convention entre la France et la Suisse. La raison évoquée est très simple. Cet article titré ne s’applique pas. En effet, la convention ne s’applique pas. Lorsqu’un résident suisse vend un immeuble en SCI, c’est en réalité, une société française (la SCI) qui vend l’immeuble situé en France. C’est donc un résident français (la SCI) qui vend un immeuble français. Il n’y a pas d’élément d’extranéité dans cette situation et donc le traité ne s’applique pas…La solution paraît à cet égard diverger de l’analyse retenue par le CE dans l’Arrêt du 11 juillet 2011 Quality Invest. En effet, dans cet arrêt rout au contraire, le Conseil d’Etat avait pris soin de déclarer que les conventions internationales étaient applicables aux SCI ayant des associés non résidents, mais que leur application doit tenir compte de la nature propre des sociétés de personnes.

Conseiller la SCI pour les résidents suisses peut donc servir à optimiser les droits de succession, mais le conseil  peut se révéler désavantageux lorsque le Suisse envisage de céder l’immeuble en réalisant une plus-value.

Il est vrai que les époux Aimé auraient pu être mieux inspirés de vendre les titres de la SCI  plutôt que l’immeuble. Ils auraient pu également dès le départ, réfléchir à constituer une société Suisse. 

Difficile exercice que celui de conseiller. Personne ne peut anticiper une évolution de la jurisprudence ou la rédaction d’un avenant avec la Suisse qui, en permettant l’échange de renseignements, ouvre, sous certaines conditions, le marché immobilier français aux sociétés constituées en Suisse….

 Stanislas Lhéritier
Avocat
Spécialiste en Fiscalité
Author: Redaction