Plan RePowerEU : un cadre législatif ambitieux pour réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes

Ce plan inclut un « accélérateur hydrogène » prévoyant une augmentation de 14 millions de tonnes (Mt) de l’utilisation d’hydrogène renouvelable et d’ammoniac à l’échelle de l’Union d’ici 2030, qui s’ajoutent aux 5,6Mt de demande d’hydrogène déjà stimulées par les mesures du paquet Fit for 55. Sur cette consommation totale, 8Mt d’hydrogène se substitueraient à 27 milliards de mètres cubes de gaz naturel importé de Russie, et 3,9Mtep de pétrole russe.

1. Usages de l’hydrogène

La Commission européenne appelle désormais à amender le paquet Fit For 55 afin de tenir compte de ces cibles relevées. Ainsi, dans la directive révisée sur les énergies renouvelables (dite RED III), la Commission propose de relever l’objectif de consommation de carburants renouvelables d’origine non biologique (RFNBO, i.e hydrogène renouvelable et dérivés) dans l’industrie à 75% (contre 50% initialement), et dans les transports à 5% (contre 2,6% initialement). Le document de travail de la Commission parle même de cibles légèrement plus hautes, à 78% pour l’industrie et 5,7% pour les transports. Selon les modélisations de la Commission, le premier poste d’usage de l’hydrogène renouvelable dans l’Union en 2030 serait la production de chaleur industrielle (3,629 Mt H2), suivi de l’usage comme matière première dans l’industrie chimique (3,232 Mt H2), et de l’usage direct comme carburant dans les transports (2,319 Mt H2). D’importantes consommations industrielles additionnelles viendraient de l’usage comme matière première dans les raffineries (2,273 Mt H2), dans l’industrie sidérurgique (1,520 Mt H2) et pour la production de carburants synthétiques (1,788 Mt H2). La Commission réitère son approche prudente quant à l’injection d’hydrogène en mélange dans le réseau de gaz naturel, mais considère néanmoins que cela peut faire sens à hauteur de 3%, soit 1,3 Mt d’hydrogène injectée dans le réseau de gaz d’ici 2030.

Afin d’accélérer l’usage d’hydrogène renouvelable dans l’industrie, la Commission compte notamment doubler le financement de l’appel à projets « Grande Echelle » du Fonds pour l’Innovation, le portant à 3 milliards d’euros d’ici l’automne 2022. Un mécanisme de contrats carbone pour la différence à la maille de l’Union sera également mis en place dans le cadre du Fonds pour l’Innovation, afin d’accélérer la montée en puissance de l’hydrogène renouvelable dans l’industrie.

La Commission mise également sur le doublement des « vallées hydrogène » d’ici afin d’accélérer la montée en puissance localisée des usages, et souligne qu’à cette fin la mobilisation d’un investissement conséquent sera nécessaire.

2. Production d’hydrogène

Ces nouveaux objectifs seraient atteints par la production au sein de l’Union d’environ 9,6Mt d’hydrogène renouvelable (contre 5,6Mt prévues avant RePower EU), et l’import de 10Mt, dont 6Mt sous forme d’hydrogène et 4Mt sous forme d’ammoniac.

Les objectifs relevés de production domestique d’hydrogène renouvelable impliquent un besoin additionnel en électricité de 500TWh d’ici 2030, conduisant à des besoins d’investissements compris entre 335 et 471 milliards d’euros, dont 200 à 300 milliards pour la production additionnelle d’électricité renouvelable. Ces objectifs impliquent également l’installation d’environ 120GW d’électrolyse en Europe d’ici 2030, représentant un besoin de 27Mds€ d’investissements directs dans les électrolyseurs domestiques et l’infrastructure de distribution d’hydrogène (intra-UE) afférente. Le document de travail de la Commission envisage néanmoins un besoin en investissements situé entre 50 et 75Mds€ pour les électrolyseurs. La Commission européenne prévoit donc de soutenir les fabricants d’électrolyseurs dans la démultiplication de leurs capacités manufacturières, suite à l’engagement de ceux-ci (lors du European Electrolyser Summit du 5 mai, en présence de Thierry Breton) d’atteindre 17,5GW de capacité de production annuelle en 2025. En France, les gigafactories d’électrolyseurs prévues par McPhy, John Cockerill, Elogen et Genvia permettraient déjà d’atteindre 4 GW/an à 2030, et le total des capacités manufacturières prévues avec l’Allemagne, Danemark, Espagne, Norvège et Royaume-Uni permettrait d’atteindre les 25 GW annuels.

Si les cibles d’utilisation restent focalisées sur l’hydrogène renouvelable, il faut néanmoins noter que la Commission européenne vise l’hydrogène fossil-free, et considère notamment que l’hydrogène électrolytique utilisant de l’électricité nucléaire joue également un rôle dans la substitution du gaz naturel.

3. Imports d’hydrogène

Pour les 10Mt d’imports d’hydrogène renouvelable en provenance de pays tiers, la Commission maintient sa stratégie de partenariats hydrogène avec des pays-tiers. Les imports d’hydrogène pur (6Mt) se feraient par pipeline, ceux par navires sous forme d’ammoniac (4Mt). Trois corridors d’importation sont ainsi ciblés : la mer du Nord (Royaume-Uni et Norvège) ; le sud méditerranéen (avec le Maroc et l’Egypte comme partenaires prioritaires) ; et, « dès que les conditions le permettront », avec l’Ukraine. La mise en place de ces corridors sera portée par des « Partenariats pour l’hydrogène vert », prévoyant dans le cas du sud méditerranéen d’intégrer les enjeux de développement et de consommation locale d’énergies renouvelables. La signature d’un accord de coopération avec le Japon est également escomptée d’ici fin 2022.

Un outil d’achat conjoint d’hydrogène renouvelable sera également mis sur pied pour financer les importations, le « Global European Hydrogen Facility ». Ce mécanisme serait la réplique à l’échelle de l’Union du fonds allemand H2Global, et à destination des Etats membres volontaires. Ces subventions doivent couvrir l’écart entre les coûts de production de l’hydrogène et les prix de vente, via un dispositif de double enchère permettant de contractualiser du côté de l’offre des contrats de 10 ans de fourniture d’hydrogène renouvelable ou dérivés (ammoniac, e-fuels) et du côté de la demande des contrats d’un an avec des consommateurs (conception du mécanisme H2Global).

4. Infrastructure d’hydrogène

Pour acheminer ces volumes d’hydrogène, la Commission met l’accent sur les besoins d’investissements dans les infrastructures. Ainsi, entre 28 et 38 milliards d’euros d’investissements dans les canalisations de transport d’hydrogène devraient être mobilisés d’ici 2030, et entre 6 et 11 milliards d’euros pour le stockage d’hydrogène. Des investissements (non chiffrés pour le moment) pour augmenter la capacité des terminaux d’import d’ammoniac, seront également nécessaires.

La Commission prévoit de publier d’ici mars 2023 une cartographie préliminaire des besoins en infrastructures, principalement axée autour des trois corridors d’imports identifiés (mer du Nord, sud méditerranéen, Ukraine si les conditions le permettent). En conséquence, une première liste de Projets d’Intérêt Commun (PIC) sera validée d’ici par la Commission d’ici le 4ème trimestre 2023.

La Commission prévoit en 2025 un rapport d’évaluation de l’essor de l’hydrogène renouvelable au sein de l’Union, portant à la dois sur sa production, son transport, et son utilisation.

Position de France Hydrogène

« Avec le Plan RePowerEU, l’Europe confirme sa volonté forte d’accélérer la décarbonation de l’économie et la sortie de la dépendance aux énergies fossiles. Réponse à l’agression de l’Ukraine par la Russie, ce paquet législatif ambitieux élaboré avec agilité double les objectifs sur l’hydrogène renouvelable, produit en Europe et importé. En conséquence, la révision de la directive sur les énergies renouvelables (REDIII), texte structurant du paquet Fit for 55, devra également adapter ses objectifs d’utilisation d’hydrogène renouvelable dans l’industrie et les transports pour les mettre en cohérence avec ces nouvelles ambitions.

Le plan publié hier constitue un signal fort, il est adapté aux nouveaux enjeux auxquels l’Europe doit faire face au plus vite. Cette nouvelle ambition, et les défis qui y sont associés, nous engagent collectivement. Elle exige des besoins additionnels conséquents en électricité décarbonée et à cet égard je me félicite de la position de la Commission qui reconnaît le rôle nécessaire de l’électricité nucléaire pour la production d’hydrogène décarboné. Cette reconnaissance doit désormais se traduire dans les objectifs fixés, aux côtés de l’hydrogène renouvelable. Le plan évalue également les besoins d’investissements nécessaires pour le stockage et le transport de l’hydrogène.

L’identification de financements pour développer la filière de l’électrolyse conforte notre vision française et nos champions industriels. Néanmoins, afin d’atteindre les très ambitieux objectifs affichés, il est impératif que l’instruction des Projets Importants d’Intérêt Européen Commun se termine au plus vite et qu’un accord soit donné sur le mécanisme de soutien à la production d’hydrogène décarboné, élément majeur pour la prise de décision.

Ce cadre clair et ambitieux devra également se traduire dans les meilleurs délais dans les 2 actes délégués attendus sur l’hydrogène renouvelable notamment pour définir les règles applicables à la production, facteur clé pour accélérer le développement de projets et l’industrialisation de la filière. », Philippe Boucly, Président de France Hydrogène.

The post Plan RePowerEU : un cadre législatif ambitieux pour réduire la dépendance européenne aux hydrocarbures russes appeared first on France Hydrogène.

Author: Redaction