Hier soir, j’entendais à la radio un débat de quatre ou cinq experts attitrés de nos médias qui s’extasiaient sur la proposition de Jean-Pierre Raffarin de repeupler les campagnes grâce aux migrants. « Plus rien ne nous surprend, de la nature humaine », comme disait un chanteur. Cette idée est la quintessence du politiquement correct qui plaît aux médias: installer les migrants au coeur de la France profonde à la place des paysans français. Quelle trouvaille! Une prophétie raffarinesque qui a atteint son objectif en faisant de lui pour un jour le roi des médias. Dommage qu’il ne pousse pas la logique jusqu’à proposer d’accueillir un site de réfugiés dans son patelin de Chasseneuil-en-Poitou dont il est élu. Hypocrisie, quand tu nous tiens… Mais sur le fond, sa proposition a quelque chose de troublant, lié à cette exploitation médiatique, si courante, d’un drame humain, et aussi un petit côté Révolution nationale inversée « la terre, elle, vous accueille », un léger arrière-goût évacuation de Pnom Pen en 1975 pour repeupler les campagnes cambodgiennes… En pratique, elle est d’un profond irréalisme: comment obliger des populations venues d’Afrique et du Moyen-Orient, illégalement, on oublie toujours de le préciser, à résider dans les campagnes sauf à instaurer un dispositif policier gigantesque? Opération médiatique de bas étage, qui n’aboutit qu’à aggraver le trouble des esprits; la politique telle qu’elle est actuellement, dans ce qu’elle a de pire. Tout pour faire parler de soi, à n’importe quel prix. Mais la politique offre aussi le meilleur. Jean-Pierre Chevènement, je le connais un tout petit peu. Il était ministre de l’Intérieur de gauche de 1997 à 2000 et j’étais jeune fonctionnaire plutôt étiqueté de l’autre bord. Il me recevait dans son bureau, m’associait à ses réunions, me complimentait pour mes notes, au grand dam de ses conseillers. Il réfléchissait à l’avenir de l’Europe, de la Nation. Il savait décider, faire des choix politiques au sens noble du terme. Simple, intègre, anti-sectaire, modeste, gentil, désintéressé, visionnaire, passionné d’histoire et de prospective. En rompant avec son parti, il vient enfin de prononcer une phrase que j’attendais de lui depuis longtemps mais qui ne venait pas: « Le clivage droite-gauche ne correspond plus à la réalité ». En lui, on retrouve vraiment quelque chose de Gambetta ou Clemenceau. Merci, Monsieur le Ministre, vous êtes l’honneur de la politique française.
Maxime TANDONNET